Anne-Sophie Mutter revient à Montréal après 20 ans d'absence. Mais pour elle, c'est avant tout un retour au concerto en mi mineur de Mendelssohn, qu'elle n'avait pas joué depuis 10 ans.

Histoire de souligner le 200e anniversaire de naissance du compositeur, elle vient d'enregistrer l'oeuvre pour la deuxième fois, avec l'Orchestre du Gewandhaus, dirigé par Kurt Masur, sur Deutsche Grammophon.

 

Nous pourrons l'entendre les 10 et 11 février prochains avec l'OSM, sous la direction de Rafael Frühbeck de Burgos.

«Revenir à l'un des plus beaux concertos jamais écrits du répertoire pour violon est un moment marquant de ma vie, dit la musicienne, jointe à New York. Je retrouve tant de joie et de tendresse dans cette musique, que j'avoue voir Mendelssohn d'un oeil complètement différent aujourd'hui. Et je suis étonnée de constater qu'après 10 ans sans jouer le concerto, j'ai développé autant de passion pour lui.»

Il n'en a pas toujours été ainsi. Lorsqu'elle jouait Mendelssohn dans sa jeunesse, elle ne ressentait pas de connexion forte et immédiate avec le compositeur comme c'était le cas avec Mozart ou Beethoven.

«Je ne trouve aucune raison logique pour expliquer cela, c'était ainsi, tout simplement», dit-elle.

Il en est tout autrement avec cette nouvelle interprétation très personnelle du concerto qu'elle nous offre. Son premier enregistrement de l'oeuvre datait de 1980, alors qu'elle jouait avec le Philarmonique de Berlin, dirigé par Herbert von Karajan. Qu'est-ce qui a changé depuis?

«Je crois que comparer un disque avec un autre n'est pas très sain, dit-elle, car à chaque instant de sa vie, un artiste essaie de donner le meilleur de lui-même. Chaque concert est une tentative pour se rapprocher le plus possible des intentions du compositeur. Mais c'est un travail en constante évolution.»

Sa récente interprétation du concerto se distingue de la précédente par l'emphase mise sur le côté passionné du premier mouvement, son dynamisme et cette impression de mouvement rapide et d'impatience caractéristique de Mendelssohn, explique la violoniste. Sans oublier la légèreté, l'élégance et l'articulation du dernier mouvement.

«Et bien sûr, je voulais souligner le caractère de romance sans paroles du second mouvement, qui le distingue d'un mouvement lent de concerto typique. Il nécessite une fluidité, pour ne pas le rendre romantique à outrance, ajoute-t-elle. Cette musique doit pouvoir se chanter. Je crois qu'avec Mendelssohn, comme chez Mozart, la simplicité est la clé.»

Elle a été inspirée dans cette direction notamment par les conseils du maestro Kurt Masur, qui a beaucoup travaillé à combattre les idées reçues sur le soi-disant manque de profondeur de Mendelssohn.

Mentionnons que l'Orchestre de Gewandhaus, avec lequel Mme Mutter vient d'enregistrer le concerto, est celui-là même qui l'avait joué pour la première fois à Leipzig, en 1845.

De retour à Montréal

Anne-Sophie Mutter n'en est pas à sa première collaboration avec l'OSM. Elle a participé à une tournée de l'orchestre en Europe avec Charles Dutoit. Sa dernière visite à Montréal remonte à 1989. Elle avait alors aussi joué le Mendelssohn.

«Je voulais revenir depuis longtemps, mais mon horaire ne le permettait pas, dit-elle. Je suis très contente de revenir et de jouer avec le maestro de Burgos, qui est l'un de mes chefs favoris. Nous avons travaillé plusieurs fois ensemble. Ma première en Espagne en 1978 était avec lui.»

C'est notamment parce qu'elle est une mère au travail «comme des millions d'autres», insiste-t-elle, qu'elle n'a pas eu l'occasion de jouer souvent au Canada. Elle aimerait toutefois revenir avant longtemps pour présenter le concerto pour violon de la compositrice russe Sofia Goubaïdoulina, In Tempus Praesens, qui lui est dédié. Elle considère la pièce comme son «dernier grand amour en musique contemporaine».

Plusieurs compositeurs ont créé des oeuvres pour la virtuose. C'est le cas, entre autres, de Penderecki et d'André Previn, son ex-mari.

«Rien ne se compare au moment où vous recevez une partition que vous êtes le premier à jouer, dit-elle. Bien entendu, vous n'en êtes pas propriétaire, mais un lien spécial se crée avec une oeuvre dont vous avez la primeur. Je suis toujours émue que les compositeurs me témoignent une telle confiance.»

Anne-Sophie Mutter, en concert avec l'OSM, les 10 et 11 février, 20h, à la salle Wilfrid-Pelletier.