Catherine Éthier est chroniqueuse à la populaire émission Code F à VRAK, de retour en ondes depuis lundi dernier. Elle est aussi chroniqueuse au journal Métro ainsi qu'à Gravel le matin, à ICI Radio-Canada Première. Elle sera sur scène, en avril, dans le cadre du Festival d'humour Dr. Mobilo Aquafest.

Marc Cassivi: Tu incarnes pour moi la jeune femme moderne. C'est pour ça que je voulais te rencontrer...

Catherine Éthier: C'est quoi ça, la jeune femme moderne?! (rires)

Marc Cassivi: Une jeune femme qui a des opinions intéressantes sur des sujets variés, sur l'actualité, sur l'évolution de la société... Je voulais bien sûr te parler du mouvement #moiaussi, qui a beaucoup retenu notre attention depuis quelques mois. Quel constat en fais-tu aujourd'hui?

Catherine Éthier: J'ai été très émue par l'automne qu'on a vécu. Je participe à poing levé au mouvement, même si je n'ai pas vécu de grand drame de ce côté-là dans ma vie. J'ai trouvé ça beau de voir cette vague de courage et de rage. Je trouve qu'il y a de belles enragées. Moi la première, le matin, je me levais en beau ta... Il était temps qu'on l'exprime! Est ensuite arrivée la lettre signée par Catherine Deneuve. On l'attendait. Je trouve que la discussion qu'elle a suscitée est tout aussi intéressante et essentielle pour démêler les choses. Aurélie Lanctôt et Léa Clermont-Dion ont repris les choses en main, juste pour s'assurer que ça ne meure pas dans l'oeuf. Parce qu'on se fatigue et qu'on a envie d'oublier...

Marc Cassivi: Et de passer à autre chose...

Catherine Éthier: Oui. Ce sont des deuils à faire aussi, chaque fois, de gens et d'artistes - parce qu'il y a eu beaucoup d'artistes - que l'on admirait et en qui on avait confiance.

Marc Cassivi: Tu dis qu'on l'attendait, cette lettre rédigée notamment par Catherine Millet et signée par Catherine Deneuve. As-tu été étonnée que le ressac vienne de femmes?

Catherine Éthier: Non. Ça ne m'a pas étonnée du tout. Surtout pas d'une femme de la génération de Catherine Deneuve qui veut se protéger dans son confort, et qui a sans doute vécu beaucoup dans le regard et l'admiration de sa grande beauté. Elle a beaucoup été définie comme ça. Mais ça a dû réjouir beaucoup de gens de voir des femmes se chicaner entre elles. Une des grandes peurs, c'était qu'on mette tout le monde dans le même panier. Je pense qu'on est capables de faire la différence.

Marc Cassivi: Les fameux dérapages qu'on craignait n'ont pas été nombreux. De façon générale, les médias ont fait leur travail. De vraies enquêtes ont été menées. Des gens sont tombés de leur piédestal, mais ce n'était pas pour rien.

Catherine Éthier: Dans la dernière semaine, il y a eu l'affaire Aziz Ansari...

Marc Cassivi: Dans ce cas particulier, on est dans la zone grise, à mon avis.

Catherine Éthier: C'est une zone grise. Ça valait la peine de parler de ce dont il est question dans le récit de cette fille, parce qu'on l'a toutes vécu ou presque, à tous les âges. Est-ce que ça valait la peine de nommer Aziz Ansari? Je ne suis pas certaine...

Marc Cassivi: Moi non plus. La discussion aurait pu avoir lieu sans lui.

Catherine Éthier: Il ne méritait peut-être pas d'être nommé, mais des dérapages, je pense qu'il y en a pas mal plus du bord des hommes que des femmes!

Marc Cassivi: En effet. Anzari, pour résumer, c'est un humoriste connu, notamment pour ses prises de position féministes, qui a vu sa vie privée étalée en public parce qu'il a été un mauvais amant, pas à l'écoute de sa partenaire, pendant une mauvaise «date». Trop de femmes tolèrent ça?

Catherine Éthier: On a été éduqués comme ça, autant les hommes que les femmes. Je ne veux pas excuser Aziz Ansari, mais je prendrai pour référence l'excellent livre de Lili Boisvert, Le principe du cumshot, qui mérite vraiment d'être lu à cet égard. Je me suis rendu compte de plein de comportements que j'avais intégrés en croyant que j'étais très libre. On élève les gars à croire que si une fille va prendre un verre chez toi, c'est qu'elle veut coucher avec toi. Peut-être qu'elle en a envie au départ, mais que soudainement, ça ne lui tente plus! Ça m'est arrivé de me rendre jusqu'au bout parce que je me disais que ce n'était plus le moment de dire non. Et la personne n'était pas nécessairement désagréable! Les filles sont élevées à devoir répondre à certaines attentes. On a peur de décevoir ou de se faire traiter d'«agace». C'est tellement banal, mais c'est important qu'on en discute. Ça va peut-être inciter les garçons à poser plus de questions. Les gens ne vont pas moins faire l'amour! Peut-être qu'ils vont être plus à l'écoute et que les relations sexuelles vont être meilleures.

Marc Cassivi: Comment parle-t-on de ces sujets avec les jeunes femmes et jeunes hommes qui sont le public cible de VRAK?

Catherine Éthier: Il y a aussi beaucoup d'adultes! On m'a dit que je m'adressais beaucoup aux 20-50 ans...

Marc Cassivi: Ah oui?

Catherine Éthier: Il y a beaucoup de jeunes, mais moi, semble-t-il, je rejoins beaucoup d'adultes! Il se dit beaucoup de niaiseries dans Code F, mais il y a des moments plus sérieux et je me fais un devoir d'honnêteté dans tout ça. Je raconte l'échec, parce que j'en vis encore. On est tellement magnifiées par la télé que je trouve ça important de dire que même à mon âge - je suis la plus vieille -, ce n'est pas simple. Même à 36 ans, je vis encore des périls amoureux. Ce qui me fait le plus plaisir, c'est quand ça suscite des discussions chez les jeunes et leurs parents. Ce sont plus les parents qui m'en parlent.

Marc Cassivi: Trouves-tu qu'il y a du vrai dans le cliché «ça ne doit pas être simple d'interagir avec les filles pour un jeune homme de 20 ans aujourd'hui», véhiculé par des gens de ma génération?

Catherine Éthier: Les gens disent peut-être ça parce qu'on est encore dans l'onde de choc. Ça ébranle les gens dans la conviction qu'ils ont toujours eu de bons comportements. Les jeunes sont fort capables de se débrouiller et c'est tant mieux. Ceux qui disent ça sont confrontés ou choqués par ce qui se passe, la zone de confort qu'ils avaient autrefois, quand on ne se posait pas de questions. Les jeunes sont beaucoup plus informés et éclairés qu'on peut le penser. Des féministes de 13 ans, je n'en croisais pas avant ! Si on peut inculquer ça dès un jeune âge, ça va devenir une seconde nature.

Marc Cassivi: Es-tu sensible à la rectitude politique qui accompagne parfois cette onde de choc?

Catherine Éthier: Oui, parce que c'est mélangeant! Surtout quand tu sens que tu dois prendre la parole. Il y a de longs moments où je suis silencieuse parce que j'ai besoin de m'informer et de réfléchir. Il y a beaucoup à apprendre et à assimiler. Parfois, on se nuit entre nous. Il y a de belles personnes qui sentent le besoin ou la pression de se prononcer et qui deviennent très rigides. Ça peut être mêlant pour des gens bien intentionnés! Tout d'un coup, il n'y a plus personne qui ose bouger. Ça fige le mouvement et la réflexion. Et on a juste envie d'oublier Éric Salvail et d'avoir hâte au show de Stéphane Rousseau...