Lorsqu'on regarde leurs reportages aux bulletins d'information ou qu'on lit leurs articles dans le journal le matin, on ne pense pas nécessairement aux dangers auxquels s'exposent les journalistes de guerre pour accomplir leur travail.

C'est tout le contraire pour les membres de leur famille, qui craignent un accident et se demandent sans cesse, comme les familles des soldats partis au front, si l'être cher reviendra intact.

C'est de cette réalité-là que nous parle la journaliste Danielle Laurin dans Promets-moi que tu reviendras vivant.

Journaliste travaillant dans les milieux littéraires (elle collabore entre autres à Elle Québec et au Devoir), Mme Laurin est la conjointe d'un journaliste de Radio-Canada avec qui elle a deux enfants. Dès les premières pages du livre, on sent exploser sa colère et son incompréhension face à la décision de son compagnon de se rendre en Afghanistan au lendemain du 11 septembre 2001. C'est pour mieux comprendre ses motivations qu'elle a écrit ce livre, bâti autour d'une série de rencontres avec d'autres journalistes de guerre. Une sorte de quête très personnelle, au fond, pour découvrir ce qui pousse ces êtres à risquer leur vie pour pratiquer leur métier.

Pourquoi?

De Céline Galipeau à notre collègue Michèle Ouimet, en passant par Anne Nivat, Patrice Roy, Patrick Chauvel et Mariane Pearl, dont le mari a été assassiné, Danielle Laurin pose inlassablement la même question. Pourquoi?

«Au départ, je ne pensais pas écrire un livre aussi personnel, avoue l'auteure. Puis je me suis mise au travail, entourée de mes notes, et tout ce qui était en moi depuis plusieurs années est sorti d'un jet. L'angoisse et la peur que je ressentais la première fois que mon chum est parti sont revenues aussi fortes, aussi vives.»

Danielle Laurin dit avoir été accueillie avec beaucoup de sollicitude par les journalistes qu'elle a interviewés. «Je les sentais sympathiques à ma cause», confie-t-elle. Ainsi, au fil des rencontres, elle a pu observer chez eux plusieurs points en commun. «Il y a d'abord, chez eux, ce désir de témoigner, d'être sur place, note l'auteure. Il y a aussi la peur. On les croit infaillibles mais ils ont tous peur. En même temps, ils reconnaissent que l'adrénaline les fouette et qu'ils ressentent tous le besoin d'y retourner.»

«Cadenas intérieur»

Dans son livre, Danielle Laurin raconte la difficulté de communiquer avec son conjoint lorsqu'il revient d'un reportage. Ses entrevues lui ont permis de constater que c'est la même chose pour tous les journalistes. «Ils ont un cadenas intérieur qui les fait enfouir les images de mort, de sang et de misère humaine. S'ils se laissaient aller à l'émotion, ils ne pourraient pas pratiquer ce métier.»

La conciliation travail-famille est-elle possible lorsqu'on pratique ce type de journalisme? Florence Aubenas, elle, a choisi de ne pas avoir d'enfant. Et Danielle Laurin témoigne des retours difficiles de son conjoint et ses collègues à la vie familiale.

Au final, ce livre aura été la clé pour accéder à son compagnon. «À mesure que je lui faisais lire les chapitres que j'avais écrits, il s'ouvrait un peu plus et témoignait de ce qu'il avait vécu. Et puis mon livre l'aura aidé à mieux comprendre l'incidence de ces choix sur moi, ce qui ne l'empêchera pas de repartir pour d'autres reportages...»

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Promets-moi que tu reviendras vivant Ces reporters qui vont à la guerre. Danielle Laurin. Libre Expression, 193 p.

Dimanche, l'auteure Danielle Laurin participera au débat «Ces journalistes qui vont à la guerre: le meilleur reportage vaut-il la mort d'un journaliste?» Animé par Gilles Gougeon, en compagnie de Céline Galipeau et Michèle Ouimet. À la librairie Olivieri, de 14 h à 15 h 30. Réservation obligatoire: 514-739-3639.