Les 30es Nuits d'Afrique démarrent aujourd'hui même et se déploieront jusqu'au dimanche 24 juillet. Hormis les invités archiconnus, tels Rachid Taha, Manu Dibango, Yael Naim et autres Tabou Combo, la programmation du festival compte de nombreuses découvertes dont l'objet est de rajeunir et revivifier la proposition. Et c'est ce sur quoi nous insistons dans la sélection qui suit.

Vaudou Game

Ce soir, 20 h, au Théâtre Fairmount

Le vaudou est une religion née dans l'ancien royaume du Dahomey, en Afrique de l'Ouest. Il est encore pratiqué sur ce vaste territoire où se trouve le Togo, d'où vient le chanteur et guitariste Peter Solo. D'où l'appellation Vaudou Game, un groupe directement connecté à Mawu, divinité de la création... et de la créativité dans le cas qui nous occupe. Il faudra être sur place pour évaluer la teneur symbolique et le pouvoir hypnotique du vaudou togolais chez le performer, entouré d'un redoutable détachement de bardes lyonnais. L'écoute de l'album Apiafo, paru chez Hot Casa, mène à affirmer que l'approche trilingue de Vaudou Game se fonde sur un furieux mélange d'afrobeat, de funk première mouture et de musiques d'Afrique de l'Ouest, le tout balancé avec une attitude rock. Puissant! Il n'y a pas lieu de s'étonner que ce groupe ait récemment été la révélation des Trans Musicales de Rennes et du WOMEX.

BKO Quintet

Demain, 20 h, au Théâtre Fairmount

Le BKO Quintet, c'est le Mali actuel, c'est le patrimoine vivant des griots malinkés et des chasseurs bambaras, c'est aussi l'usage de technologies neuves qui inscrivent les chants et instrumentations traditionnels dans un environnement sonore actualisé. Assez discrètement, des brumes de sons saturés et des sédiments électroniques finement traités enveloppent le jeu des musiciens: percussions d'Ibrahima Sarr, qui fut longtemps le maître djembéiste de la chanteuse Oumou Sangaré, voix très présente de Fassara Sacko, typique de la grande culture mandingue, djeli n'goni virtuose d'Aboulaye Koné, soit un instrument-clé du Mali, batterie iconoclaste d'Aymeric Krol. Sauf les techniques avancées de ses praticiens, seule l'enveloppe orchestrale de ce BKO Quintet est vraiment neuve; il s'agit de poursuivre la tradition et non de rompre avec le passé.

Elida Almeida

Jeudi 14 juillet, 21 h, au Théâtre Fairmount

La Cap-Verdienne Elida Almeida est née en 1993 dans la ville de Pedra Badejo à Santa Cruz, dans l'île de Santiago. Transplantée dans l'île de Maio après la mort prématurée de son père, elle a découvert sa voix via le chant sacré qu'elle pratiquait à l'église. Élève brillante, elle rêve de devenir juriste, mais la musique finit par l'emporter sur les études supérieures lorsqu'elle se met à la création de ses chansons. Elle est alors repérée par le producteur José Da Silva, celui-là même qui avait découvert une certaine Cesária Évora un quart de siècle plus tôt. En 2015, Elida Almeida sort un premier album sous étiquette Lusafrica, Ora Doci Ora Margos. Arrangée par le guitariste Hernani Almeida, cette folk-pop est traversée par les rythmes batuque, funaná ou morna... et s'apprête à faire le tour du globe.

Inna Modja

Vendredi 15 juillet, 20 h, au Théâtre Fairmount

La Malienne Inna Bocoum devient Inna Modja lorsqu'elle chante et monte sur scène. Elle a déjà trois albums à son actif, dont le récent Motel Bamako, soit l'un des meilleurs albums world 2.0 de l'année 2015. Cet opus captive les Africains désireux de s'inscrire dans une mouvance mondiale plutôt que de se limiter à l'actualisation de leurs traditions. La façon de faire d'Inna Modja n'est donc pas typiquement malienne, elle se rapproche beaucoup plus de la pop soul, du hip-hop, du blues et même du rock. Interprétés en anglais et en français, mais aussi en langues locales (bambara, fulfude), ses chants et musiques ne sont pas désincarnés pour autant; on n'y sent pas l'imitation occidentale, sauf exception. Les instruments traditionnels maliens s'intègrent à une lutherie électronique ou rock; ils servent une artiste farouche, affranchie des moeurs oppressives de ses aïeux, déterminée à mener la vie d'une femme libre.

Canicule Tropicale avec Beto

Samedi 16 juillet, 21 h 30, à la Sala Rossa

Sous l'enseigne Canicule Tropicale, les DJ Clément Jehan, alias La Mano Peluda, et Philippe Noël se spécialisent dans les rythmes d'Afrique, des Antilles et d'Amérique latine: cumbia, konpa, calypso, éthio-jazz, plena, son, salsa, juju, highlife et autres afrobeat. Leurs soirées mensuelles au Divan Orange sont très prisées des danseurs tropicaux, qui transhumeront cette fois vers la Sala Rossa pour un événement spécial: Canicule Tropicale partagera le programme de la soirée avec Beto. Roberto Ernesto Gyemant de son vrai nom, ce DJ issu du Sunset District de San Francisco a collaboré à cinq compilations du renommé label britannique Soundway, soit celles consacrées au Panamá et à la Colombie où il a passé beaucoup de temps à débusquer des perles rares. Grand expert des vieux enregistrements latino-américains, Beto puise dans une incroyable collection et nous immerge dans des époques musicales antérieures à la nôtre. Ici, la notion d'exotisme retrouve tout son sens!

Faris

Mardi 19 juillet, 20 h 30, au Balattou

Le père de Faris Amine Bottazzi est italien, sa mère est touarègue algérienne, lui est guitariste et chanteur de nationalité italienne... et de citoyenneté mondiale. Depuis quelques années, il s'applique à faire se rencontrer les routes du blues : la route originelle, saharienne et subsaharienne, puis la route du grand fleuve Mississippi et de son delta. Lorsqu'on écoute avec attention, ces deux axes musicaux convergent naturellement, on réalise que la culture tamachek et une large part de l'afro-américaine s'abreuvent à la même source. Et c'est ce que Faris s'applique à démontrer en liant les blues d'Afrique et d'Amérique au sein d'un même répertoire. Ainsi, il a enregistré auprès de musiciens touaregs, tels ceux du groupe Terakaft, pour ensuite adapter de vieux blues acoustiques afro-américains au style typique du grand désert africain. En témoigne l'album Mississippi to Sahara, sous étiquette Reaktion.

Mexican Institute of Sound

Mardi 19 juillet, 21 h 30, sur le parterre du Quartier des spectacles (gratuit)

Le Mexican Institute of Sound est l'édifice créatif du DJ et réalisateur Camilo Lara, qui a une longue expérience dans l'industrie mexicaine de la musique. Après avoir été au service de la multinationale EMI, il a fondé le label Suave, produisant différents projets tout en faisant lui-même DJ et remixeur. Il a ensuite mis sur pied le Mexican Institute of Sound dont la première mission était de remixer la pop mexicaine des années 20 aux années 60 en lui conférant des arrangements et des beats électroniques. Le M.I.S. se permet aussi de commenter le contexte politique mexicain, non sans humour, et s'applique à lier les chansons populaires du pays à des cultures musicales autres que mexicaines, notamment le dancehall jamaïcain ou le hip-hop.

Ana Alcaide

Samedi 23 juillet, 20 h, au Gesù

Avant de retourner à la musique qu'elle pratiquait depuis l'enfance, l'Espagnole Ana Alcaide mena des études très poussées en biologie et en botanique. Alors en Suède, elle découvrit la nyckelharpa, vièle médiévale qu'elle apprit à maîtriser à la faculté de musique de l'Université de Malmö, tout en apprenant le chant. La biologiste est alors devenue compositrice, auteure et interprète. De retour en Espagne, elle a fondu un alliage de musiques anciennes et de techniques contemporaines, s'inspirant aussi de la culture des Juifs séfarades d'Espagne, des musiques méditerranéennes, mais aussi de chants bulgares, roumains, perses ou même indonésiens. Ana Alcaide met ainsi de l'avant un folk universel conjugué au futur antérieur. Ses airs soyeux se trouvent au fond de nous tous et réémergent à travers elle.

Photo fournie par le festival Nuits d'Afrique

Les DJ de Canicule Tropicale (Philippe Noël, à gauche) et Clément Jehan.