Avec ses dizaines de galeries d'art, l'édifice Belgo, situé en plein coeur du Quartier des spectacles, est aujourd'hui considéré comme un haut lieu de la culture à Montréal.

Mais ce ne fut pas toujours le cas.

Dans les années 30, le bâtiment de la rue Sainte-Catherine Ouest était plutôt un centre névralgique de l'industrie du textile. On y trouvait des dizaines de shops et, surtout, des centaines d'employés sous-payés, pour la plupart des Canadiens-français ou des immigrants juifs d'Europe de l'Est.

Tous sont morts et oubliés depuis longtemps. Mais leurs fantômes, eux, revivront avec l'exposition Vêtements Parkley/Parkley Clothes: 1937, qui se tiendra samedi prochain au Belgo, dans le cadre de la Nuit blanche.

Organisé par le Musée du Montréal juif (MMJ), ce projet aux allures de performance reproduira l'atmosphère d'une manufacture des années 30 (les Vêtements Parkley) en insistant plus particulièrement sur sa main-d'oeuvre d'origine juive. À la croisée des arts et de l'ethnologie industrielle, le tout s'annonce comme une véritable expérience immersive.

Recréer le passé

Primo, l'expo aura lieu à la galerie Popop (salle 442), exactement à l'endroit où, jadis, se trouvait l'entreprise Parkley Clothes.

Deuzio, on y recréera l'ambiance qui régnait dans la shop, avec de vraies personnes s'activant aux machines à coudre.

Tertio, on pourra voir les photos et entendre les récits de ceux et celles qui ont travaillé dans ces manufactures. Leurs témoignages seront tirés de I Have a Story to Tell You, le livre de Seemah C. Berson qui a servi de matière première à l'expo.

Ce n'est pas tout. Pour rendre la chose encore plus «interactive», les gens du MMJ ont eu la bonne idée d'intégrer au projet une chorale interprétant des chants de travail en yiddish (Urban Shtetl) ainsi que des mets typiquement juifs ashkénazes, conçus par un service de traiteur spécialisé dans le domaine (The Wandering Chew).

Ces ajouts donneront une saveur supplémentaire au projet, qui raconte de façon tout à fait originale la réalité des immigrants juifs dans le Montréal des années 30.

«Nous essayons de prendre des morceaux d'histoire et de les regrouper dans une expérience artistique», résume Stephanie Tara Schwartz, responsable de l'exposition.

Selon Mme Schwartz, très peu de familles juives n'ont pas compté au moins un de leurs membres dans l'industrie du textile. Son grand-père était lui-même «découpeur» dans une shop.

Hélas, dit-elle, cette histoire a été balayée sous le tapis et les gens de sa génération ne la connaissent pas. «Ce n'est pas quelque chose qu'on nous a transmis. Les gens ne veulent pas se rappeler le temps où ils étaient pauvres. Personne ne veut insister sur la part négative de son passé.»

Il y aurait pourtant de quoi être fier, souligne-t-elle. Car ce sont les Juifs, en grande partie, qui ont contribué à l'implantation des syndicats dans l'industrie du textile au Québec. Leur militantisme, hérité de la culture est-européenne, a aidé la cause de tous les ouvriers, incluant les Canadiens français. Qu'on pense à la fameuse grève des Midinettes, menée en 1937 par la militante Léa Roback au nom du syndicat des robes. Un jalon.

À noter que Vêtements Parkley/Parkley Clothes: 1937 est la première exposition tangible à émerger du Musée du Montréal juif. Fondée en 2010, cette institution essentiellement virtuelle est d'abord un site web - fort intéressant, d'ailleurs - où l'on retrace et consigne différents aspects de l'histoire juive de Montréal.

Avec ce nouveau projet, qui s'adresse plus directement aux sens, Stephanie Schwartz se dit convaincue que cette histoire prendra une autre dimension. «Parfois, on oublie les mots, conclut-elle. Mais quand on ressent quelque chose, on connecte avec les gens d'une autre façon. Ça reste plus longtemps...»

Vêtements Parkley/Parkley Clothes: 1937 est présentée le samedi 1er mars de 19h à 2h, au local 442 de l'édifice Belgo, 372, rue Sainte-Catherine Ouest.

Musée du Montréal juif: http://mimj.ca/