Jean-Luc Ponty a joué avec Frank Zappa et le Mahavishnu Orchestra, mais on sait moins que le violoniste français a failli faire partie de Return To Forever au milieu des années 70. Une trentaine d'années plus tard, le voici qui s'amène à Montréal dans la quatrième mouture de RTF. Explications.

Avant de faire partie de Return To Forever IV, Jean-Luc Ponty avait déjà joué à quelques occasions avec les membres de ce groupe phare du jazz fusion des années 70.

«Stanley (Clarke) est le premier que j'ai connu, par le batteur Tony Williams qui venait de quitter Miles Davis et avec qui j'avais fait quelques concerts en Europe en 1972 juste avant de m'installer à Los Angeles, raconte le violoniste depuis Paris. Il me l'a présenté comme la nouvelle star de la contrebasse à New York. En fait, John McLaughlin et Billy Cobham avaient l'idée d'engager Stanley comme bassiste, et moi comme violoniste, dans le premier Mahavishnu Orchestra. Mais comme Stanley était occupé ailleurs et que moi, j'étais en France, c'était trop difficile. Même si on n'a pas joué tous ensemble dans les mêmes groupes, on appartient à une communauté de musiciens de même génération, avec des racines musicales communes, qui avaient envie d'explorer, de repousser les limites et d'aller voir ce qu'il y avait ailleurs musicalement.»

En 2009, Ponty était l'un des invités spéciaux d'un concert de Clarke, le pianiste Chick Corea et le batteur Lenny White au Hollywood Bowl. «Mais ils m'avaient déjà demandé de me joindre à Return To Forever dans les années 70, nous apprend le violoniste. À l'époque, j'ai longuement hésité. J'avais mon propre groupe depuis un an et c'était le moment ou jamais pour moi de plonger, d'essayer mon propre concept musical. Finalement, j'ai pris la bonne décision parce que ç'a très bien marché, mais j'ai la chance d'avoir vécu assez longtemps pour que, 35 ans plus tard, ils me redemandent.»

Return To Forever a eu plusieurs vies dans les années 70. Il y eu d'abord le groupe aux accents latins avec Flora Purim et Airto Moreira, dont Return To Forever IV reprend aujourd'hui l'immortelle Spain de Corea, puis le porte-étendard du jazz-rock avec, successivement, les guitaristes Bill Connors et Al DiMeola, et enfin une troisième mouture avec la chanteuse Gayle Moran, femme de Corea, et des cuivres. S'ils reprennent le nom de Return To Forever en 2011, c'est parce qu'ils proposent des relectures des pièces du groupe classique de la période Connors-DiMeola.

«Ils avaient envie de renouer avec le son et le style des premiers albums qui ont fait le succès de Return To Forever, mais en ne s'arrêtant pas uniquement au côté nostalgique et historique, en faisant du nouveau, explique Ponty. De là l'idée de m'appeler, puisque je faisais le même style de musique. Ce qu'il y a de très intéressant dans le groupe, c'est qu'on a affaire aux plus grands musiciens spécialistes de leur instrument et aussi à d'excellents compositeurs et producteurs de musique, mais si on joue un morceau de Stanley Clarke, c'est Stanley qui est le chef d'orchestre et tout le monde se met au service de sa composition. Et quand c'est la mienne, c'est moi qui deviens le chef d'orchestre. Et ça, c'est extraordinaire, parce que lorsqu'il y a vraiment un même état d'esprit musical, on peut atteindre des niveaux difficilement égalables avec d'autres musiciens. On s'est très vite trouvés musicalement; dès le deuxième ou le troisième concert - en Australie, en février dernier -, c'était vraiment un groupe solide. Et comme me l'a dit Gayle Moran, que j'ai connue dans le Mahavishnu, le violon apporte une chaleur et un côté lyrique à cette musique.»

Al DiMeola, qui était des retrouvailles du Return To Forever classique au Festival de jazz de 2008, est remplacé cette fois par le guitariste Frank Gambale qui, avant de faire partie de l'Elektric Band de Chick Corea en 1986, avait déjà joué avec Ponty. «D'après ce que j'ai compris en parlant aux uns et aux autres, y compris Al, chacun a des idées différentes de projets qui ne correspondaient pas exactement à ça, explique Ponty. Al a une carrière qui marche très fort, il est très occupé. Mais je suis un peu l'invité extérieur, donc je ne connais pas les raisons profondes de l'absence d'Al autant que Chick ou Stanley.»

Return To Forever IV est un projet exceptionnel qui se terminera à l'automne. Sans doute en profitera-t-on pour filmer le spectacle et le lancer éventuellement sur DVD. De toute façon, à 68 ans, Ponty est un homme très occupé. Il fera ensuite une tournée en Amérique du Sud avec son groupe des années 80 et il a dans ses cartons d'autres collaborations possibles: «J'aime de plus en plus faire des collaborations, des rencontres qui me stimulent au lieu de m'endormir et d'aller vers la retraite.»

Return To Forever IV, à Wilfrid-Pelletier, demain à 20h.