Un lieu mythique situé au beau milieu de nulle part dans le désert. Un bar où ont chanté Robert Plant et Wanda Jackson et derrière lequel se trouve un vieux décor de films westerns.

Chez Pappy & Harriet's, tout est trop authentique pour être vrai. D'autant plus que Justin Vernon s'y produisait devant une petite foule d'à peine 200 personnes, jeudi soir, la veille du festival Coachella. Justin Vernon n'interprétait pas la musique de son projet Bon Iver, mais celle de son trio The Shouting Matches, qui sort un nouvel album mardi, intitulé Grownass Man.

Vernon se paie un retour aux sources au coeur de l'Amérique avec des pièces blues, grassroots et americana. Il se laisse aller et se fait plaisir, en jouant de la basse et de la slide guitar.

Accompagné de l'excellent claviériste Phil Cook et du batteur Brian Moen, son power trio en met plein la gueule des spectateurs, avec des solos enflammés, des ballades romantiques écorchées belles à pleurer (I Need a Change) et d'autres chansons pop-rock réconfortantes qui nous rendent heureux dès le premier refrain.

Nous étions à 10 mètres de la scène. Il y a peu d'endroits dans le monde où une telle intimité est possible avec un artiste qui connaît un grand succès d'estime - Justin Vernon a même remporté un prix Grammy.

Le bar Pappy & Harriet's est un joyau patrimonial. Une sorte de vieux saloon en bois où le temps s'est arrêté. Entre deux plats cuits au sur le gril, les gens y voient des spectacles, à l'intérieur ou à l'extérieur, sur la terrasse de sable naturelle plantée dans le décor du désert.

À quelques pas derrière le bar se trouvent un vieux motel et une rue dignes des westerns. Des scènes de duel entre deux cowboys y ont bel et bien été tournées. Il s'agit d'un ancien décor de cinéma construit en 1946 par un groupe de vedettes de cinéma (dont Roy Rogers, Gene Autry et Russell Hayden).

Avec les Joshua trees (le parc national du même nom se trouve tout près), ou arbres de Josué, qui se dressent sur le sol sablonneux, le paysage est plus grand que nature pour quelqu'un qui voit le désert pour la première fois de sa vie. Voilà pourquoi des artistes demandent à jouer chez Pappy & Harriet's.

Rufus Wainwright s'y est produit il y a quelques semaines. Jeudi prochain, Grizzly Bear est à l'affiche à l'intérieur, alors que Franz Ferdinand est à l'affiche à l'extérieur. Le même soir!

L'un des visages connus de Pappy & Harriet's est Victoria Williams, membre honoraire du house band. Il y a quelques années, la chanteuse a appris qu'elle souffrait de sclérose en plaques, alors qu'elle n'avait pas d'assurance médicale. Des amis et habitués du bar, dont Eddie Vedder et Lou Reed, ont décidé de lui venir en aide en faisant un album-bénéfice.

Si tout ce qui entoure Pappy & Harriet's semble irréel, c'est parce que le bar est situé loin des grands centres urbains. Tous les soirs de la semaine, il attire un public varié: des hippies, des rednecks, des gais de Palm Springs, des familles ou des gens de Los Angeles qui ont une résidence secondaire dans le désert.

Pendant Coachella, la clientèle change avec les festivaliers qui tiennent à visiter l'endroit mythique. Jeudi soir, Justin Vernon a demandé aux spectateurs de laisser leur cellulaire dans leurs poches. Malgré tout, des personnes ont braqué leur téléphone sur lui.

Au moment où il accordait sa guitare entre deux chansons, Vernon a lancé à la blague qu'il regardait son Instagram. Il a bien raison de vouloir préserver l'esprit des lieux: longue vie à Pappy & Harriet's. Un trésor authentique de l'Amérique profonde.