Fils du sitariste virtuose Kartick Kumar, il fut d'abord considéré comme un enfant prodige. Sous la direction de son père, il apprit l'instrument dès l'âge de quatre ans, donné sa première performance publique à l'âge de six ans, acquis une réputation nationale à l'adolescence. À 38 ans, sa renommée est à l'échelle planétaire.

Niladri Kumar accorde cette interview dans un café d'Andheri West, quartier aisé de Mumbai où il vit, soit à quelques pâtés de maisons de celle où il a grandi. Natif de Calcutta, il est arrivé à Mumbai lorsqu'il était aux couches.

«Je représente la cinquième génération d'une lignée de sitaristes, amorce-t-il fièrement. J'ai appris de mon père qui, lui a appris de différents maîtres afin de découvrir plusieurs écoles du sitar.  Kartick Kumar fut d'ailleurs un disciple de Pandit Ravi Shankar, soit le plus réputé sitariste de l'univers connu - ce dernier vient d'avoir 92 ans, il joue encore très bien et peut compter sur une mémoire phénoménale!»

On sait que le sitar est l'instrument central du khyal, soit l'école hindoustanie issue du nord de l'Inde.

Niladri Kumar en résume l'approche: «Même aujourd'hui, le sitar exige une maîtrise de la tradition nordique. D'où que tu proviennes, tu dois apprendre les ragas hindoustanis. Après quoi tu peux faire ce que tu veux! Par exemple, tu peux intégrer les musiques carnatiques (du sud de l'Inde) qui comportent un autre répertoire de ragas.»

Les ragas, rappelle en outre notre interviewé, sont des phrases musicales composées qui constituent le répertoire classique indien: «C'est le début d'une histoire qui mène le musicien à en écrire plusieurs pages. S'ouvre alors le monde de la découverte et de l'improvisation.»

Ainsi, les interprètes doivent maîtriser une pléthore de ragas adaptés à leurs instruments respectifs afin de s'exprimer seuls ou dialoguer avec leurs collègues. «Ce qui n'empêche en rien les hybridations avec d'autres traditions», souligne Niladri Kumar. En ce sens, il pratique aussi une fusion de genres  qu'absorbe sa propre culture.

«Au fond, je ne connais vraiment que la musique classique indienne, tient-il à préciser. Lorsque je pratique la fusion, j'aborde le jazz,  la musique classique européenne ou la culture rock à partir de cette connaissance. Même avec des instruments modernes et à travers des genres musicaux modernes, je poursuis cette même pratique de la musique classique indienne tout en restant moi-même, c'est-à-dire un être humain vivant à l'époque actuelle. Et si je transgresse ma propre tradition, c'est parce que j'en connais les règles. Conséquemment, je SUIS cette tradition que mes successeurs devront maîtriser avant de créer la leur.»

Bollywood et fusion

Niladri Kumar est considéré actuellement comme l'un des maîtres sitaristes de sa génération. Sa connaissance profonde de la musique classique indienne n'a d'égal que son immense habileté technique. Il a tourné avec les plus grands musiciens indiens dont les Masters of Percussion sous la gouverne de Zakir Hussain.

Cet instrumentiste de très haut niveau est aussi compositeur et dirige son propre orchestre de fusion - batterie, basse, guitare, claviers, tablas, sitar. Il a enregistré une douzaine d'albums sur les territoires de la fusion et de la musique classique indienne. L'an dernier, il a créé l'album Together (étiquette Six Degrees) de concert avec l'Indo-Britannique Talvin Singh, percussionniste (tablâ) féru de tradition indienne, musicien de l'électronique et créateur central de l'asian underground.

Il tire aussi des revenus importants de l'industrie du cinéma:  «Je n'ai pas composé énormément pour Bollywood, indique-t-il. J'ai travaillé cependant pour plusieurs excellents directeurs musicaux en tant que soliste - comme l'a fait mon père d'ailleurs, depuis que notre famille s'est installée à Bombay.  Je choisis mon travail lucratif, je joue surtout du sitar pour les directeurs musicaux associés à cette industrie, tel A.R. Rahman.»

Le musicien dit néanmoins composer de plus en plus de pièces instrumentales pour  Bollywood.

«Ça fait partie de ma culture, je pense souvent à une chanson populaire lorsque je compose même si ce qui en ressort n'a rien à voir à priori. En fait, les sons qui me marquent finissent par rejaillir indirectement dans ma musique. J'écoute de tout depuis l'enfance, il faut dire. Je viens de la première génération indienne ayant eu accès à MTV. Comme vous, j'ai aussi grandi avec Michael Jackson, George Michael, U2, Pink Floyd , les vidéos, la musique. Puis je me suis initié à la musique classique européenne et au jazz moderne. J'ai été soufflé par cette rigueur classique, par l'approche orchestrale de l'Occident.»

Niladri Kumar ne cache pas avoir été tenté de vivre à l'Ouest. Il continue de choisir Mumbai. Pourquoi donc?

«Parce que cette immense ville m'est familière. Parce que Mumbai ne dort jamais. Parce qu'on peut tout y trouver la plupart du temps. C'est aussi une ville sûre, peu violente compte tenu de sa taille. Et, surtout, tu peux y accomplir des choses en tant qu'Indien. Malgré les immenses contradictions auxquelles je fais face quotidiennement, je compte y rester.»

Liens utiles :

Niladri Kumar, site officiel : https://www.niladrikumar.com/

Niladri Kumar, profil Wikipédia: https://en.wikipedia.org/wiki/Niladri_Kumar

Liens Youtube :

https://www.youtube.com/watch?v=ZdPbDz0eRzU

https://www.youtube.com/watch?v=qCXYrdRYBrY&feature=related

https://www.youtube.com/watch?v=nB0CC5j-tfY

https://www.youtube.com/watch?v=H7hU66qQUMI&feature=related

https://www.youtube.com/watch?v=Ri0P0Ahck30&feature=related

https://www.youtube.com/watch?v=0nHIrNDHpcM&feature=list_related&playnext=1&list=AL94UKMTqg-9B117n-Jo1T5-4nzAlLggn8