Neuf mois après sa première, Montréal a enfin pu constater que l'ADISQ ne s'était pas trompé en décernant à L'existoire le Félix du spectacle de l'année dimanche dernier. De Boom Boom à la chanson L'existoire en passant par Chaude était la nuit, Richard Desjardins et ses cinq musiciens et chanteurs nous en ont mis plein les oreilles mercredi lors de la première de cinq représentations à guichets fermés en autant de jours au Club Soda.

Même ceux qui trouvaient trop chargées les orchestrations de Claude Fradette dans l'album L'existoire auraient été agréablement surpris. Dès la toute première de la vingtaine de chansons au programme, le 'Club sold-out'  a compris qu'il serait gâté. Boom Boom, qui n'a pas pourtant pas besoin d'un supplément de musique vitaminée pour faire son effet, était véritablement rafraîchie par le violon de Tommy Gauthier, le violoncelle de Mélanie Auclair, la contrebasse de Karl Surprenant, le saxophone de Jean-Denis Levasseur et la slide de Claude Fradette convoqués tour à tour par la guitare acoustique du chanteur. Déjà, on devinait que les chansons de Desjardins, les récentes, les anciennes et les inédites, auraient des couleurs parfois étonnantes.

En deux petites heures, on est passé du folklore irlandais d'Atlantique Nord aux riches harmonies à cinq voix de Chaude était la nuit, au solo de piano exquis d'Elvira, à une On m'a oublié presque jazzée, à la musique de chambre de la fort belle Söreen, à une protest-song country-folk façon Dylan (Y a rien qu'y arrive) suivie du Bon gars le plus festif qu'il m'ait été donné d'entendre - et dont font désormais partie Frank Zampino et Fernand Gignac - pour finir la soirée avec une Quand j'aime une fois j'aime pour toujours qui n'aurait pas détonné au Ranch à Willie. Tous ces moments musicaux, si disparates en apparence, se tenaient, atteignant même par moments des sommets de beauté, comme dans la chanson Elsie qui a suscité des bravos.

Reste que c'était le show de Richard Desjardins, intense comme un pianiste de concert dans Elvira mais capable de déconner joyeusement dans Développement durable à laquelle il a greffé une Cancun parfaitement nounoune. Son Roger Guntacker, héros d'une autre chanson «colone», est devenu gérant d'un Provigo le temps d'un monologue dégoulinant de sarcasme et Desjardins s'est également permis quelques pointes acérées envers la religion. Mais l'artiste militant ne riait plus quand il a dénoncé deux fois plutôt qu'une les politiques de Stephen Harper sous les cris d'approbation de certains de ses fans.

Après deux heures bien tassées, la bande à Desjardins est revenue saluer une dernière fois en compagnie de Marjolaine Beauchamp, une jeune auteure, poète et performeuse de l'Outaouais qui malgré un stress bien légitime - «J'ai un petit bébé de quatre jours qui m'attend en Outaouais», nous a-t-elle dit - a complètement happé en début de soirée ce public qui ne la connaissait pas avec ses textes rentre-dedans aux flashes brillants.

RICHARD DESJARDINS AU CLUB SODA JUSQU'À DIMANCHE : COMPLET.