Notre journaliste se balade dans le Grand Montréal pour parler de gens, d’évènements ou de lieux qui font battre le cœur de leur quartier.

Les milliers d’automobilistes qui roulent chaque jour sur l’autoroute Décarie en direction nord aperçoivent son œuvre murale sur les Habitations Bourret. Ses personnages joviaux et colorés animent aussi des murs de l’aéroport Montréal-Trudeau et des ruelles vertes du quartier Villeray.

En fait, on retrouve des illustrations de Cécile Gariépy un peu partout dans le monde, notamment au Bélize et en Norvège. Et jusqu’au 23 octobre, on peut admirer son travail sur la vingtaine de panneaux signalétiques qui parsèment la rue Sainte-Catherine, entre De Bleury et le boulevard Saint-Laurent.

  • Les panneaux accrochent le regard.

    PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE

    Les panneaux accrochent le regard.

  • Cécile Gariépy a un style unique.

    PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE

    Cécile Gariépy a un style unique.

  • Le panneau préféré de l’illustratrice.

    PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE

    Le panneau préféré de l’illustratrice.

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Le Quartier des spectacles a proposé à l’illustratrice de s’approprier, avec son style unique, les codes de signalisation routière. « C’est un projet de rêve. Pour moi, c’est ça, illustrer : jouer avec des codes que tout le monde comprend et qui font partie de notre quotidien. »

En un coup d’œil « intelligible », le rôle de l’illustrateur est d’accrocher le regard d’une personne, que ce soit en l’amusant, en lui montrant un angle insoupçonné ou en la faisant réfléchir, expose-t-elle.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, ARCHIVES LA PRESSE

Chez nous est le titre de l’œuvre murale de Cécile Gariépy qu’on peut admirer de l’autoroute Décarie. Elle a été conçue pour le 50e anniversaire de l’Office municipal d’habitation de Montréal.

Un style distinctif

Au cours des dernières années, Cécile Gariépy a su développer une signature visuelle bien à elle avec ses personnages onduleux et en mouvement. Alors que nous marchons ensemble devant la Place des Arts, on voit une affiche de festival où on a reproduit son style…

Pour l’illustratrice, c’est plus flatteur que fâchant. « Je dessinais quand j’étais petite, raconte-t-elle. Je ne pensais pas qu’on pouvait faire une carrière là-dedans. » Mais comme lui disait sa mère, qui était graphiste, « il faut même quelqu’un pour faire le design d’une boîte de Kleenex ».

PHOTO ALAIN ROBERGE, ARCHIVES LA PRESSE

Un garage embelli par Cécile Gariépy dans une ruelle du quartier Villeray

Cécile Gariépy n’a pas de formation en arts visuels. Elle a plutôt fait des études en communication et en cinéma. Elle a participé à La course Évasion autour du monde et travaillé comme réalisatrice en télévision avant d’aller faire une maîtrise en cinéma à Paris, où elle s’est mise à crayonner. « Je me cherchais et j’ai commencé à dessiner ma vie », raconte-t-elle.

En mettant ses dessins du quotidien sur Instagram, elle ne se doutait pas que l’agence LG2 allait la contacter pour une campagne des Plaisirs gastronomiques. « Ma carrière a changé et c’est devenu mon travail. »

Peu de temps après, le New York Times lui a commandé une illustration « éditoriale ». Cécile Gariépy a ensuite fourni des illustrations à Spotify, Aesop, au magazine Nylon, etc.

Quand j’ai commencé, je n’en revenais pas que les gens veuillent que je dessine pour eux. […] J’aime raconter des histoires.

Cécile Gariépy

Depuis, ses « bonshommes », pour reprendre ses mots, ont aussi enjolivé des cartes de crédit, des souliers, des cannettes de bière, des magasins comme Décathlon, le club de curling de Mont-Royal, ou encore le site web de la Ville de Repentigny. « Autant j’aime la pub avec un message concret qu’il faut livrer rapidement, autant j’aime doser ça avec des projets plus libres. »

PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE

Un autre panneau de Cécile Gariépy dans le Quartier des spectacles

Quand Cécile Gariépy accepte que ses illustrations servent des marques, la collaboration s’arrête toutefois là. « Mon travail, c’est le dessin. Je ne suis pas une influenceuse », explique celle qui est représentée en Amérique du Nord par l’agence This Represents, et en France par La Suite.

C’est important de bien choisir ce qu’on fait, car c’est indélébile.

Cécile Gariépy

Collaboration avec La Pastèque

En voyage au Japon, elle confie avoir été prise par l’émotion quand elle a vu par hasard une de ses illustrations dans un magasin Apple – comme c’était le cas dans la chaîne partout dans le monde. « Je n’aurais jamais pu imaginer être vue par autant de gens. »

Cécile Gariépy n’est plus à l’étape « de ne pas en revenir » qu’on la rémunère pour ses dessins, mais elle se pince encore de parler de l’illustration comme son « métier » et de collaborer avec une maison d’édition comme La Pastèque, avec qui elle a illustré plusieurs livres d’enfants dont Coup de vent, Objet perdu et Drôles de sports : curiosités olympiques (avec le journaliste de La Presse Simon Drouin).

Ces temps-ci, elle est très occupée par un projet costaud de roman graphique pour préadolescents avec Guillaume Corbeil. « C’est incroyable de travailler avec quelqu’un comme lui. C’est un jeu de ping-pong entre lui et moi. Je ne pourrais pas faire son travail et il ne pourrait pas faire le mien. Ensemble, on fait quelque chose qui est plus grand que nous, et c’est dans ces collaborations-là que mon métier prend son sens. »

Sinon, Cécile Gariépy aimerait pouvoir se rendre à Oslo, où elle a illustré une importante campagne pour le service de transports en commun. Pour elle, entrer dans le quotidien des gens et même y contribuer, comme elle le fait avec ses œuvres murales ou son projet dans le Quartier des spectacles, est quelque chose de très gratifiant. « Une image peut faire chaud au cœur comme une odeur », souligne-t-elle si bien.