Kim Despatis joue dans Le balcon, Jimmy Gonzalez répète à New York, Xavier Huard joue dans Nouvelle adresse, Julie Trudel expose ses nouveaux tableaux, Éric Morin a lancé son premier film, Daniel Clarke Bouchard son premier disque et Sarah Bourdon s'apprête à lancer le sien... Voici des nouvelles des sept artistes que nous suivons depuis deux mois et que nous accompagnerons jusqu'en septembre 2014.

Kim Despatis : l'amour du métier

Nous avions rendez-vous sous la marquise du Rideau Vert, un soir de première, pour voir ensemble La cerisaie avec Sylvie Drapeau. Tchekhov, avec ses personnages murés, solitaires, tissés de malentendus et de contradictions, reste un auteur de prédilection pour des interprètes. Et c'est l'un des auteurs préférés de Kim Despatis.Rares sont les acteurs qui raffolent des premières, car ils doivent jouer devant les médias, les critiques et les collègues. Pas Kim. Elle aime l'énergie particulière de ces soirées, tant sur la scène que dans la salle. «J'adore la fébrilité, la tension, des soirs de première. Lorsqu'un acteur passe par-dessus sa nervosité, ça donne parfois des moments de grâce.»

Depuis notre dernière rencontre, Kim a répété avec René Richard Cyr qui a mis en scène Le balcon de Jean Genet, au TNM. «Je joue une prostituée dans un bordel. Je ne suis que dans la première scène. Mais, je suis vraiment heureuse de retrouver René Richard. On dirait qu'il a un don pour former des gangs magnifiques! J'apprends aussi énormément en regardant mes collègues travailler. Juste la distribution m'impressionne!»

Le mois dernier, au Lion d'or, Kim a participé à son premier match de l'année avec la Ligue d'improvisation montréalaise (LIM). «À la Ligue d'improvisation montréalaise, il n'y a pas de mentions [d'étoiles] ni vraiment d'équipes, de votes et de points, comme à la Ligue nationale d'improvisation. C'est ce qui rend la ligue différente. Ce sont cinq des troupes de cinq comédiens qui se mêlent le temps d'un spectacle. Un maître de jeu orchestre la représentation et les comédiens improvisent. On tente de faire des concepts plus théâtraux, en passant par l'humour, le drame... Il y a aussi des musiciens qui improvisent.»

Kim se discipline pour écrire un peu chaque jour une nouvelle pièce, sa deuxième. «Il sera encore question de la famille. Mais cette fois, je crois que mon écriture est plus mature. On quitte le monde de l'enfance. Et j'essaie de répondre à la question: jusqu'où est-on prêt à aller par amour?» - Luc Boulanger

Jimmy Gonzalez : dans le coeur de la Pomme

L'artiste de cirque Jimmy Gonzalez se trouve à New York pour la création de Queen of the Night, spectacle immersif du producteur américain de Sleep No More, Randy Weiner, avec la participation des 7 doigts de la main. La première aura lieu le 31 décembre.

Depuis la semaine dernière, il répète six jours par semaine au Diamond Horseshoe, mythique cabaret de l'hôtel Paramount. En plus des artistes de cirque, une quinzaine de danseurs et d'acteurs se sont joints au groupe.

«Le spectacle commence à prendre forme», nous dit Jimmy Gonzalez, qui habite un duplex de l'Upper West Side, à quelques pas de Central Park, où il a déjà pris l'habitude de courir.

Jimmy Gonzalez a peu de temps libre en ce moment, mais il se plaît dans la Grosse Pomme. «Il y a quelques jours, on a retrouvé des collègues des 7 doigts qui jouent dans la comédie musicale Pippin [au Music Box]. On le voit, les artistes de cirque sont de plus en plus nombreux ici.»

One on one

Dans Queen of the Night, Jimmy Gonzalez participera aux tableaux de groupe en plus de faire un numéro de jonglerie, sa spécialité. Mais ce qui l'allume le plus en ce moment, c'est la création des one on one, des rencontres individuelles que provoqueront les artistes avec les spectateurs.

«J'en rêve la nuit, nous dit l'artiste de 21 ans. C'est quelque chose d'inhabituel. Il faut emmener un spectateur dans une pièce et créer un numéro. Je n'ai jamais fait ça avant! C'est énervant, mais c'est très emballant en même temps. Cette relation entre le public et les artistes est vraiment nouvelle.»

Parallèlement à ce travail avec Les 7 doigts de la main, Jimmy et ses colocataires Erika Nguyen et Maude Parent jettent les bases de leur nouvelle compagnie de cirque, Et des Hommes et des Femmes. Leur spectacle Croisé a été présenté l'été dernier au festival Montréal complètement cirque. Leur objectif est maintenant de le faire tourner. - Jean Siag

Photo Martin Chamberland, La Presse

Jimmy Gonzalez

Daniel Clarke Bouchard : les deux complices

Daniel Clarke Bouchard, 13 ans, est assis au piano dans une salle du Conservatoire de musique de Montréal. À sa gauche, le jazzman Oliver Jones, 79 ans, jette un oeil à son protégé, écoute ses directives puis le suit dans une pièce de Mozart ou une autre de Claude Léveillée. Le maître et l'élève communiquent à l'autel de la musique: Daniel se colle à la partition qu'il a assimilée, laissant Oliver improviser en jazz. Aussitôt la pièce de Léveillée terminée, Daniel veut la reprendre en y ajoutant un peu de «oumph». Les deux complices y replongent tête première avec une énergie renouvelée.

Dans la salle, les quatre témoins sont conscients qu'ils vivent un moment privilégié. Du grand spectacle!

Le jeune pianiste montréalais, que nous suivons depuis septembre, a de l'ambition et des moyens. En plus de jouer avec Oliver Jones aux FrancoFolies et au Festival de jazz, il a été vu à Carnegie Hall ainsi qu'à la Maison symphonique en compagnie de l'Orchestre métropolitain (OM). Il a d'ailleurs retrouvé l'OM mercredi dernier à l'Outremont le temps de deux matinées et d'un concert en soirée, mais sous la direction du maestro Yannick Nézet-Séguin cette fois.

Ce n'est pas tout. Daniel Clarke Bouchard a lancé le 19 novembre son premier album, Rêves d'enfants, sur lequel il interprète Mendelssohn, Beethoven, Schubert et autres Debussy ainsi que deux pièces avec son mentor et ami Oliver: le Mozart et le Léveillée.

«La première fois qu'on l'a jouée, c'était au concert de clôture des FrancoFolies de Montréal et ça s'est tellement bien passé qu'on a décidé de la refaire juste pour le plaisir et de la mettre sur l'album», explique Daniel.

«J'étais tellement fier de Daniel [aux Francos] parce que, comme toujours, il a été un véritable performer. Il a vraiment fait quelque chose de spécial ce soir-là.» - Alain de Repentigny

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Daniel Clarke Bouchard

Xavier Huard : son premier plateau de télé

Xavier Huard était à peine sorti de l'École nationale de théâtre du Canada qu'il obtenait déjà son premier rôle à la télévision. La Presse l'a rencontré sur le plateau de tournage de Nouvelle adresse, une télésérie réalisée par Sophie Lorain.

Il s'agissait du dernier jour de tournage de cette émission qui sera diffusée prochainement à Radio-Canada et qui met en vedette Macha Grenon et Macha Limonchik. Tous les membres de l'équipe présents dans la cour d'école du Collège de Montréal semblent tristes de se quitter, mais heureux du bon travail accompli depuis le printemps.

Xavier joue le fils de Macha Limonchik, un soldat canadien déployé en Afghanistan. Dans sa loge, tout en enfilant son costume, il confie: «Je suis très énervé, nerveux. Je m'en vais jouer une scène dramatique, c'est un gros sujet qui me demande beaucoup de concentration.»

Le comédien de 23 ans apprivoise le jeu à l'écran, bien différent du jeu théâtral: «C'est une école pour moi, j'observe beaucoup. Je vais souvent sur le plateau pour voir les autres acteurs jouer. Pour tout vous dire, je ne m'attendais pas à ça. Je ne pensais pas que c'était si difficile de faire de la télévision. Ça a l'air tellement simple lorsqu'on regarde des séries. Mais en fait, il y a énormément de travail derrière ça.»

Avant de se rendre sur le plateau pour jouer sa dernière scène, Xavier se rend dans la roulotte des maquilleurs et coiffeurs, entre autres pour se faire raser la tête. À peine assis sur la chaise, sa coiffeuse lui offre un cadeau de fin de tournage, un bouddha «qui porte chance».

Le jeune comédien, touché par cette délicatesse, met son nouveau porte-bonheur dans sa poche et espère «avoir bientôt un autre beau rôle». - Véronique Lauzon

Photo: André Pichette, La Presse

Xavier Huard

Julie Trudel : un tableau n'est pas un disque

La dernière fois que j'ai parlé à la peintre Julie Trudel, elle était sur la route quelque part entre Montréal et le Nouveau-Brunswick, où elle venait de démonter une expo.

Je la retrouve un mois plus tard, seule au milieu de ses tableaux dans la galerie Hugues Charbonneau. Sa nouvelle expo compte une dizaine de toiles faites de noir de fumée et de blanc de titane, qui vibrent doucement sur les murs d'un blanc aveuglant. Le vernissage a eu lieu le 9 novembre, la veille des 36 ans de Julie.

«Il y avait beaucoup plus de monde que d'habitude, raconte Julie. Des gens de la fonction publique avec qui je travaillais et que je n'avais pas vus depuis des années, des profs, des amis d'amis qui avaient vu ma photo dans le journal.»

Depuis que Julie est représentée par Hugues Charbonneau, non seulement elle vend plus, mais ses prix ont doublé et tournent maintenant autour de 2000$. Pourtant, avant de rencontrer le galeriste, Julie faisait exprès de vendre ses tableaux le moins cher possible pour qu'ils circulent au lieu de moisir dans son atelier. Mais les choses ont changé.

«Un tableau n'est pas un disque, explique-t-elle. Un disque se vendra toujours aux environs de 10 ou 12$. Mais si mes tableaux ne prennent pas de valeur avec les années parce qu'on estime que j'apporte quelque chose à l'histoire de la peinture, j'ai un problème.»

Pour l'instant, le seul problème de Julie, ce n'est pas le manque de valeur, c'est le manque de temps. Sitôt l'expo chez Hugues Charbonneau terminée, le 14 décembre, Julie commencera à plancher sur une nouvelle expo pour la maison de la culture Notre-Dame-de-Grâce, en janvier. Dans sa tête, Julie sait exactement ce qu'elle va faire, mais concrètement, elle n'a encore rien réalisé.

D'ici là, elle doit aussi préparer son départ pour Banff, en mars, trouver une nouvelle coloc, faire des démarches pour un visa européen et apprendre l'allemand en prévision d'un séjour d'un an à Berlin. Julie a beau ne pas vendre des disques, sa vie est plus occupée que ceux dont c'est le métier. - Nathalie Petrowski

Photo: Martin Chamberland, La Presse

Julie Trudel

Éric Morin : au suivant!

Dans le dernier mois, le premier long métrage d'Éric Morin, Chasse au Godard d'Abbittibbi, a finalement pris l'affiche. Il a aussi quitté l'affiche...

«Ça va tellement vite, dit le cinéaste. Il y a tellement un décalage entre le temps consacré à imaginer un film, à le préparer, le tourner, le monter, et le temps qu'il reste finalement à l'écran. Plein de gens m'ont dit qu'ils avaient hâte de voir mon film. Ils vont devoir attendre le DVD!»

Chasse au Godard d'Abbittibbi, film éclaté et onirique, n'a pas eu beaucoup de succès aux guichets, malgré un accueil critique très chaleureux et une sortie dans une douzaine de salles. Éric Morin n'en a pas été le moindrement surpris.

«Je savais que c'était un film décalé qui n'allait pas être très populaire. Mais c'est quand même étonnant de constater la différence entre le battage médiatique et le nombre réel de spectateurs. Je me console en me disant que le film existe et qu'il sera diffusé sur d'autres plateformes. Mais on fait des films pour qu'ils soient vus au cinéma, et cette expérience-là est déjà terminée.»

À sa première expérience du genre, a-t-il bien réagi à la critique? «Oui, surtout que le film a été bien reçu. J'aime beaucoup lire les critiques intelligentes, même les ravageuses. Quand quelqu'un a assez détesté notre film pour y consacrer tout un texte, et qu'il explique bien ce qui l'a irrité, je trouve ça fascinant.»

J'ai joint Morin au Festival international du cinéma francophone en Acadie (FICFA) de Moncton, où son film était en lice pour le titre du meilleur long métrage canadien. Il s'apprêtait à se rendre à l'événement Cinéma du Québec à Paris, où Chasse au Godard d'Abbittibbi a été sélectionné avec une dizaine d'autres films, dont Louis Cyr, Le démantèlement et Sarah préfère la course.

«Je me sens vraiment choyé d'être en si bonne compagnie. Avec mes producteurs, nous allons rencontrer des distributeurs européens et de potentiels coproducteurs pour mon prochain film. Au cours des deux prochains mois, je me retire dans mes terres et je travaille là-dessus!» - Marc Cassivi

Photo: Martin Chamberland, La Presse

Éric Morin

Sarah Bourdon : avant le grand saut

Entre deux spectacles avec Yann Perreau, Sarah Bourdon soigne ses compositions avant d'entrer en studio, à la fin du mois de novembre.

«La semaine dernière, on a choisi les chansons. On en avait 16 ou 17, puis on en a gardé 12. Je suis dans le travail de fignolage: peaufiner les textes, choisir où je veux des cordes ou des cuivres», explique l'auteure-compositrice et chanteuse à voix, qui peut compter sur les précieux conseils de son coloc et musicien Gabriel Gratton (Elisapie, Les soeurs Boulay).

«J'en profite aussi pour remplir de la paperasse plate de travailleur autonome», ajoute-t-elle.

Impôts obligent, Sarah doit mettre de l'ordre dans ses factures. Elle a rempli les formulaires pour s'inscrire à Artisti, le programme de l'Union des artistes qui gère et distribue les redevances dues aux artistes.

Sarah fait partie des 19 artistes présélectionnés pour le programme Entrées en scène Loto-Québec, associé à RIDEAU. Si elle se retrouve parmi les cinq finalistes, la société d'État lui fournira la moitié de son cachet en tournée. «Je vais faire plus de spectacles, car je vais coûter moins cher», lance-t-elle.

Sarah espère donc lancer son album au printemps pour partir en tournée l'été suivant. Elle a confié la réalisation au bassiste Guillaume Chartrain, musicien et proche collaborateur de Louis-Jean Cormier.

En attendant d'entrer au studio VOX, Sarah Bourdon assure toujours les premières parties du spectacle de Yann Perreau, en plus de l'accompagner sur scène. «Nous sommes allés au festival de Saint-Prime, au Lac-Saint-Jean, organisé par la bande de Fred Fortin. Yann était le porte-parole. On jouait dans une grange et c'était le gros party.»

Il y a deux semaines, Sarah a vu, au Lion d'or, le spectacle de sa source d'inspiration première, Daniel Bélanger. «Il a été quelqu'un de déterminant dans ma carrière. Il fait de la musique pour les bonnes raisons. Mon rêve était de signer un contrat avec Audiogram à cause de lui.»

Ce rêve désormais réalisé, Sarah Bourdon doit maintenant le vivre. On lui en reparle dans un mois au studio VOX. - Émilie Côté

Photo: Hugo-Sébastien Aubert, La Presse

Sarah Bourdon