Les temps sont durs pour les diffuseurs de spectacles. Près de la moitié d'entre eux ont enregistré un déficit en 2008. Résultat: pour sortir de l'impasse, certains risquent d'opter pour des manifestations qui remplissent les salles, comme les spectacles d'humour, au détriment d'autres formes d'art comme la danse, par exemple.

Qu'ils présentent des spectacles de chanson, de danse, de théâtre ou d'humour, les diffuseurs réussissent bien souvent à faire des miracles avec bien peu de moyens, révèle une étude sur les coûts de la diffusion des arts de la scène au Québec en 2008.

Premier du genre à être rendu public, ce rapport, dévoilé hier, comptabilise les données concernant 112 diffuseurs pluridisciplinaires dans 250 salles, membres du Réseau indépendant des diffuseurs d'événements artistiques unis (RIDEAU). De ce nombre, 28 se trouvent dans la région montréalaise et 13 en Montérégie.

Fait inquiétant: en 2008, près de 40 % d'entre eux étaient déficitaires. Les diffuseurs de petite taille et ceux des scènes régions éloignées connaissent davantage de difficultés. La situation financière précaire de plusieurs diffuseurs risque de mettre en péril la diversité des spectacles présentés au public québécois, craint le président du conseil d'administration de RIDEAU, Jean-Pierre Leduc.

La production d'un spectacle - peu importe la discipline - coûte en moyenne 8000 $. Or, les places aux spectacles d'humour se vendent à 72 %. En revanche, la musique et la danse obtiennent des taux respectifs de 47 % et de 35 %.

Un dilemme se pose: pour boucler un budget, vaut-il mieux par exemple présenter quatre spectacles de Louis-José Houde et un seul de musique classique? Le fait que les diffuseurs doivent présenter des spectacles dans au moins trois domaines artistiques n'est pas un gage de diversité de l'offre, a souligné M. Leduc, à l'issue d'une rencontre avec les médias.

«Ceux qui sont en difficulté financière vont s'en tenir au minimum, mentionne-t-il. Ils vont présenter des spectacles plus rentables qui vont leur permettre d'avoir une marge de manoeuvre budgétaire.»

«Même les organismes qui ne sont pas en déficit ont un stress financier constant parce que l'équilibre d'une programmation diversifiée commande qu'on perde quelque part pour gagner ailleurs, ajoute la directrice générale de RIDEAU, Colette Brouillé. Le devoir qu'on commande est beaucoup plus exigeant que les moyens qu'on donne.»

Appel à l'aide

Devant ces constats, RIDEAU demande à Québec d'injecter plus d'argent. La croyance populaire voulant que les organismes de diffusion dépendent exclusivement des subventions n'est qu'un mythe, souligne le Réseau. Les revenus autonomes constituent en effet 62% des revenus totaux, et 33% proviennent de l'aide publique.

Alors que la présentation de spectacles multidisciplinaires permet au gouvernement provincial de percevoir 18 millions en revenus fiscaux, les diffuseurs ne reçoivent en échange qu'une contribution de 6,7 millions de la part de l'État québécois. Ottawa verse 2,6 millions. Le municipal est le plus généreux avec une aide de 19 millions.

Jean-Pierre Leduc a rencontré la ministre de la Culture, Christine St-Pierre, la semaine dernière, afin de lui présenter les grandes lignes de l'étude. Cette dernière est actuellement à analyser le dossier.

«Il faut poursuivre la discussion avec RIDEAU, a-t-elle mentionné hier au cours d'un entretien téléphonique avec La Presse. Nous avons un excellent dialogue avec eux. Ce rapport nous éclaire.» Elle a toutefois tenu à souligner que l'étude ne tient pas compte de l'argent que le gouvernement a investi dans la rénovation et la construction de différentes salles de spectacle.

Par ailleurs, est-elle prête à délier davantage les cordons de sa bourse pour répondre aux demandes du Réseau? «Je ne peux pas répondre à ça maintenant, affirme-t-elle. Il faut voir. En ce moment, j'ai des budgets limités.»