La catastrophe appréhendée au moment de l'annonce des compressions dans le financement de la culture a bel et bien eu lieu et certains des dégâts sont irrécupérables, ont soutenu mercredi des représentants du milieu de la danse et du théâtre, qui pressent Ottawa de mettre sans tarder sur pied un fonds d'urgence afin de sauver ce qui peut encore l'être.

Le directeur de la Compagnie de théâtre des Deux Mondes, Pierre McDuff, a suggéré, mercredi, devant le comité parlementaire du patrimoine, qu'on confie une enveloppe spéciale au Conseil des arts du Canada, qui connaît déjà les organismes culturels canadiens, d'ici à ce que de nouveaux programmes d'aide aux tournées et à l'exportation soient définis.

Le directeur général des Grands Ballets canadiens, Alain Dancyger, estime pour sa part que l'argent pourrait être administré par le ministère du Patrimoine canadien. «Mais pour moi, ça n'a pas trop d'importance de savoir qui, à condition qu'on ait le montant nécessaire pour subvenir aux besoins de tournée», a-t-il déclaré.

Le plus important, à leurs yeux, c'est que l'argent soit disponible rapidement puisque, dans le milieu du théâtre expérimental comme dans celui de la danse, les troupes dépendent de spectacles à l'étranger qui se préparent en effet des années à l'avance.

M. Dancyger a ainsi expliqué, mercredi, aux membres du comité parlementaire du Patrimoine qu'il avait déjà dû annuler une tournée aux Etats-Unis, faute de fonds, et qu'il n'était pas certain que sa troupe puisse participer au centenaire de Tel-Aviv, en Israël, puisqu'il n'arrive plus à boucler le budget du voyage.

Lorraine Hébert, du Regroupement québécois de la danse, a expliqué que plusieurs petites compagnies étaient désormais obligées de puiser dans les fonds normalement réservés à la création pour respecter leurs engagements envers des promoteurs étrangers et que cela mettait en péril leur survie à moyen terme.

«L'économie de la danse est basée sur l'exportation», a-t-elle fait valoir. Or, les subventions aux déplacements d'artistes, on «ampute ce secteur de son levier de développement international».

De tous les programmes éliminés par les conservateurs l'été dernier, ce sont PromArt et Routes commerciales - dont le budget totalisait moins de 12 millions $ - qui semblent le plus regrettés par le milieu des arts de la scène.

Pour Pierre McDuff, leur disparition est «incompréhensible» et constitue «une absurdité économique». Même son de cloche chez M. Dancyger, qui trouve toute l'affaire «illogique» et martèle que «le soutien financier du gouvernement canadien aux tournées est justifié, sensé, vital».

Après deux séances de débat sur les compressions, les députés du Bloc québécois et du Parti libéral continuent à dire que ces coupes, annoncées en août dernier, ne s'expliquent que par «l'idéologie».

«On n'a pas fini notre étude, mais déjà on voit qu'il faut rétablir ces programmes», a insisté la bloquiste Carole Lavallée.

Les audiences du comité du patrimoine sur les dépenses en culture ont débuté lundi et se poursuivront pendant au moins une autre semaine. Le sujet suscite beaucoup d'émotion, tant chez les députés que parmi les témoins, dont l'indignation est souvent perceptible.

Les conservateurs ont retardé la séance de mercredi en déposant au début de la réunion une motion condamnant «les extrémistes séparatistes» subventionnés par le Bloc québécois. Le texte, émanant du député ontarien Pierre Poilievre, a été défait sans hésitation par les trois partis d'opposition.