Dans un geste considéré comme un précédent, l'État du Kentucky s'apprête à saisir les adresses internet de 141 casinos virtuels jugés illégaux, dont une cinquantaine sont hébergés dans la réserve de Kahnawake.

Les 141 sites visés, parmi lesquels figurent goldenpalace.com, absolute poker.com et utlimatebet.com, violent la loi sur les loteries du Kentucky, qui dit que seul l'État peut exploiter des loteries et jeux de hasard. Le gouverneur du Kentucky, Steve Beshear, qualifie ces sites de «sangsues pour la communauté» et estime qu'ils privent l'État de revenus de plus de 70 millions de dollars chaque année.Dans un jugement rendu la semaine dernière, le tribunal d'État ordonne aux 141 sites de bloquer l'accès aux citoyens du Kentucky. S'ils ne s'y conforment pas dans les 30 jours, le gouvernement menace de saisir leur nom de domaine: l'adresse internet qui permet d'y accéder.

La position juridique du Kentucky face aux casinos en ligne est presque identique à celle du Québec: seul l'État est autorisé à exploiter des jeux de hasard. Les Américains sont cependant beaucoup plus actifs pour empêcher leur fonctionnement. Depuis quelques mois, les compagnies de cartes de crédit américaines doivent obligatoirement bloquer toute transaction faite par leurs clients vers l'un de ces sites.

Au bureau du ministre de la Sécurité publique du Québec, on répétait la semaine dernière que des enquêtes sont en cours sur ces casinos virtuels mais qu'elles sont très complexes puisque les sites sont presque toujours hébergés dans un pays, exploités dans un autre et parfois administrés dans un troisième. Informé par La Presse des mesures prises par le Kentucky, un responsable a dit qu'une stratégie semblable n'est pas envisagée.

Levée de boucliers

La décision du tribunal de permettre à l'État de saisir les adresses internet des sites a provoqué une importante levée de boucliers sur la Toile. Il s'agit d'un précédent puisque, en principe, seul l'ICANN, l'organisme international qui gère les noms de domaine, peut accorder ou retirer la permission d'utiliser une adresse.

Selon Vincent Gautrais, titulaire de la Chaire de recherche en droit de la sécurité et des affaires électroniques de l'UdeM, la décision du Kentucky s'annonce difficilement applicable.

«Les sites de jeu en ligne créent volontairement de la confusion en ayant les pieds dans plusieurs pays. Si en plus, comme ça semble être le cas ici, on ajoute la composante réserve indienne, ça devient extrêmement complexe à faire appliquer. Si j'étais l'avocat d'un de ces sites, je dirais tout simplement à mon client de faire comme si de rien n'était et de continuer d'exploiter son site», dit-il.

«Ça me semble une solution un peu étrange», ajoute-t-il.

La Kahnawake Gaming Commission, qui gère les droits d'hébergement de plus de 300 casinos en ligne sur les serveurs situés à Kahnawake, n'a pas rappelé La Presse. Depuis le début de l'année, deux sites appartenant à l'ancien grand chef de Kahnawake Joe Norton ont été mis à l'amende par cet organisme à la suite de fraudes totalisant plus de six millions de dollars.