Les clips de glorification des gangs de rue abondent sur le site Internet YouTube. Parmi eux, des clips dans lesquels apparaissent des jeunes de Montréal qui se prennent pour des membres des deux grands gangs ennemis, les Crips et les Bloods. Des mineurs vont même jusqu'à se montrer à visage découvert, armes à la main, a constaté La Presse.

Les clips de glorification des gangs de rue abondent sur le site Internet YouTube. Parmi eux, des clips dans lesquels apparaissent des jeunes de Montréal qui se prennent pour des membres des deux grands gangs ennemis, les Crips et les Bloods. Des mineurs vont même jusqu'à se montrer à visage découvert, armes à la main, a constaté La Presse.

Certains s'identifient clairement comme «Montreal Crips». Sur l'air de This Is Why I'm Hot, du rappeur américain Mims, des photos d'une cinquantaine d'ados défilent. La plupart se contentent d'arborer leur air le plus dur en faisant des signes propres aux Crips avec leurs mains. D'autres brandissent des couteaux, des revolvers (vrais ou faux, difficile à dire) ou des foulards bleus, couleur du gang.

Mims a beau chanter «I'm Hot Cuz I'm Black» (je suis génial parce que je suis noir), ses imitateurs montréalais peuvent aussi bien être noirs que blancs ou latinos. Leurs photos sont accompagnées de leur nom de gang du genre «tiny titan», «sexy boy» ou «187». Dans le code pénal de la Californie, 187 est le code qui désigne les homicides.

Deux ados qui baignent dans le milieu des gangs de rue de Montréal ont montré plusieurs clips du genre à La Presse. «Des fois, ya des fights organisées. Les gars se donnent rendez-vous (sur le Web), pis après y mettent la fight sur YouTube.»

Les jeunes qui s'affichent comme ces «Montreal Crips» n'ont-ils pas peur des représailles? «S'ils font ça, c'est parce qu'ils sont backés. Ils ont leur clique (ils sont protégés à l'intérieur du gang)», raconte l'un d'eux. «Peut-être qu'il y en a un ou deux qui va se faire jacker (poignarder). Mais c'est tout», ajoute l'autre, d'un ton tout à fait normal comme s'il parlait du temps qu'il fait dehors.

Dans d'autres clips, des jeunes brandissent des drapeaux noirs (couleur portée par les Bloods et les Crips pour être plus discrets en territoire ennemi ou auprès de la police). Ou encore, ils sont vêtus de bleu et crient «fuck Purple». Les Purple (ou violet) sont des Lavallois, du quartier Saint-François notamment, qui ont formé un gang rival.

Clips «drôlement» réels

Un certain «Reddice 187» du quartier Montréal-Nord met en ligne des clips qui décrivent des problèmes actuels. Le clip Mtl streetgangs black and latino playing dice montrent deux jeunes qui jouent aux dés. Un Latino tente de voler l'argent tandis qu'un Noir fait mine de l'abattre. «C'est la nouvelle mode dans les cours d'école de Montréal de jouer aux dés pour de l'argent. Leurs idoles, des rappeurs américains, ont des dés en diamant. On est vraiment en train d'élever de futurs prisonniers», dit Jean-Yves Sylvestre, intervenant à la Maison d'Haïti dans le quartier Saint-Michel.

Dans un autre de ses clips, Blood walking in 67, «Reddice 187» recrée une bagarre entre deux jeunes d'origine haïtienne dans le quartier Saint-Michel, royaume de plusieurs groupes de Crips, comme les 67. Le clip montre un adolescent qui en chasse un autre à grands coups de pied et de poing.

«Même si certains font ça pour rire, on voit que les jeunes Québécois sont vraiment en admiration devant ce mode de vie gangster. C'est dur pour nous de nous battre contre cette image de gars riches qui roulent en voiture de luxe entourés de belles filles. Surtout que nos jeunes Noirs, ici dans Saint-Michel, n'ont rien à perdre. Ils pensent qu'ils n'ont pas d'avenir», ajoute M. Sylvestre, qui a lui-même grandi à Saint-Michel.

Un jeune Asiatique de 15 ans de Laval qui se fait appeler «tarif reduit» sur YouTube a mis en ligne plusieurs clips rendant hommage aux Crips. On le voit avec son petit frère et son cousin, vêtus de bleu, prendre des poses devant une maison cossue, puis devant un Hummer. Le titre d'un de ses clips - vu plus de 40 000 fois - signifie «pouvoir aux Crips qui tuent des Bloods tous les jours».

Pas étonnant que les jeunes fascinés par le mode de vie gangster se servent de YouTube, croit Jean-Yves Sylvestre. «C'est la nouvelle façon de devenir une star instantanée. Les jeunes ne sont pas les seuls à rêver à ça. C'est un courant de société», explique le travailleur de rue.

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