Après le tollé suscité par l'attribution d'un contrat ferroviaire géant à l'allemand Siemens, Londres cherche à donner un coup de pouce à Bombardier, afin de sauver la dernière usine de trains du pays.

Siemens avait remporté à la mi-juin un contrat géant de 1,4 milliard de livres (2,16 milliards de dollars canadiens) portant sur la livraison de 1200 rames pour le réseau ferroviaire Thameslink, une ligne entre le nord de Londres et Brighton.

Cette attribution, au détriment du groupe canadien Bombardier, dont une importante usine est implantée à Derby, dans le centre de l'Angleterre, suscite depuis la colère des syndicats et de nombreux élus.

Dernier constructeur ferroviaire implanté sur le territoire britannique, Bombardier avait dans la foulée annoncé la suppression de plus de 1400 emplois sur le site de Derby.

Cette décision laisse craindre la disparition à terme du dernier constructeur de trains dans un pays qui se targue d'avoir inventé le chemin de fer et qui peine à rééquilibrer son économie, aujourd'hui largement dominée par les services, en faveur de l'industrie.

Du coup, le gouvernement se montre maintenant prêt à donner un coup de pouce au fabricant canadien sur d'autres contrats.

«Nous nous intéressons au futur de Bombardier et de Derby et nous voulons nous assurer qu'il s'agisse d'un futur radieux», affirmait la semaine dernière le premier ministre conservateur David Cameron devant des parlementaires qui l'interpellaient sur ce dossier.

Ce sauvetage aurait d'autant plus d'impact que le gouvernement compte sur l'emploi privé pour soutenir l'économie, au moment où le pays est engagé dans un plan d'austérité drastique, avec la suppression d'au moins 330 000 postes dans le secteur public.

Le gouvernement envisage désormais de moderniser les trains qui circulent sur la longue ligne de chemin de fer Cross Country, qui part du sud-ouest de l'Angleterre jusqu'à l'Écosse.

Le contrat, évalué par la presse à 120 millions de livres (185 millions CAN), aurait toutes les chances d'aller à Bombardier, puisque Bombardier avait construit ces trains. «Nous accueillons très positivement» l'annonce, a d'ailleurs commenté le constructeur.

Cette perspective est toutefois loin de contenter les syndicats, qui continuent à demander la révision du contrat Thameslink, dix fois plus important.

«Nous allons nous battre pied à pied afin que le gouvernement reconsidère sa décision épouvantable de transférer cette charge de travail hors du Royaume-Uni», a ainsi indiqué le patron du puissant syndicat Unite, Len McCluskey.

Le gouvernement répète pourtant qu'il ne peut pas revenir sur le contrat Thameslink, se disant lié par des décisions du précédent gouvernement travailliste.

Mais il envisage l'adoption de nouvelles règles qui assureront que les entreprises basées en Grande-Bretagne aient «toutes leurs chances» dans les appels d'offres publics futurs.

«Nous devons voir si la Grande-Bretagne fait vraiment le meilleur usage des règles européennes» dans ce domaine, a déclaré le ministre libéral-démocrate du Commerce, Vince Cable, promettant d'aider Bombardier.

Une décision sur un autre contrat géant vient d'être repoussée afin de donner au fabricant un maximum de chances de l'emporter: fin août, l'appel d'offres pour fournir les trains du gigantesque projet de nouvelle ligne ferroviaire londonienne Crossrail a été remis à l'an prochain.

En vertu des nouvelles règles, Bombardier pourrait ainsi, selon les experts, se retrouver favorisé de facto par rapport à ses concurrents - l'Espagnol CAF, le Japonais Hitachi et Siemens.