Quatre milliards pour acquérir la gestion basée à Montréal de 52 milliards de dollars d'actifs provenant de 1,4 million de clients au Canada.

Même six mois après son annonce, les principaux éléments de la transaction conclue officiellement lundi par la Financière Manuvie pour l'achat des activités canadiennes de Standard Life pèsent encore lourd dans le paysage financier montréalais.

Ces éléments illustrent aussi l'ampleur des attentes envers les dirigeants de part et d'autre pour la bonne réalisation de cette fusion, notamment en ce qui concerne la place de Manuvie - ou Manufacturers Life - dans le deuxième marché de l'assurance-vie et de l'épargne au Canada.

«Clairement, nous n'avons pas encore au Québec le type de leadership de marché que nous avons atteint ailleurs au Canada. Avec l'achat des activités canadiennes de Standard Life, qui sont bien implantées de longue date au Québec, l'un de nos principaux objectifs est de nous rapprocher du leadership de marché québécois», résume Marianne Harrison, vice-présidente et directrice générale de Manuvie au Canada, au cours d'une entrevue avec La Presse Affaires.

À ses côtés, l'ex-président de Standard Life au Canada, Charles Guay, et désormais président et chef de la direction de la nouvelle Manuvie Québec. Il estime aussi que Manuvie a désormais en mains la capacité «d'accroître significativement sa présence» dans le marché québécois de l'assurance-vie et des produits d'épargne, collectifs et individuels.

Beaucoup de doigté

Mais pour y parvenir, la fusion réussie de ces deux entreprises naguère concurrentes, qui pourrait prendre jusqu'à deux ans, requerra beaucoup de doigté afin de «combiner les meilleurs éléments et les forces de chaque organisation».

Par exemple, des propos du président de Manuvie, Donald Guloien, depuis l'annonce de l'achat de Standard Life au Canada pour 4 milliards au comptant, les actionnaires de ce colosse financier torontois en attendent un apport rapide et fiable aux prochains bénéfices annuels.

Parmi ces actionnaires, l'un des plus importants est nul autre que la Caisse de dépôt et placement du Québec, des suites de son achat additionnel de 500 millions en actions émises par Manuvie pour financer sa plus grosse acquisition en une décennie.

Par ailleurs, à titre de principaux gestionnaires de la fusion entre Manuvie et Standard Life (SL), Mme Harrison et M. Guay doivent veiller jalousement aux attentes des 1,4 million de clients de SL dans un «marché hautement concurrentiel».

Et près du tiers de ces clients, environ 400 000 selon M. Guay, est au Québec, dans le fief de gros concurrents québécois (Desjardins, Industrielle Alliance, SSQ) qui sont moins présents ailleurs au Canada.

En parallèle, Mme Harrison et M. Guay doivent gérer les appréhensions et les attentes des 2000 employés de Standard Life au Canada, dont 1700 sont au Québec.

Dans le milieu financier montréalais aussi, on se préoccupe de la continuité de centaines de postes décisionnels au siège social canadien de Standard Life, qui est établi à Montréal depuis un siècle et demi.

La future Maison Manuvie

À ce sujet, au-delà des «ajustements» de postes dédoublés par la fusion, Marianne Harrison et Charles Guay se font rassurants et confiants.

Pendant l'entrevue dans les bureaux de Manuvie à Montréal, on entend d'ailleurs l'écho des premiers travaux d'excavation de la future Maison Manuvie, qui sera érigée boulevard de Maisonneuve, au centre-ville.

Cet immeuble de 27 étages, où seront regroupés les employés de Manuvie et de l'ex-Standard Life, résulte d'un partenariat entre Manuvie et Ivanhoé Cambridge, filiale immobilière de la Caisse de dépôt et placement.

«Nous sommes décidés à développer une présence significative au Québec, autant dans le marché des produits financiers aux particuliers qu'au niveau des emplois de calibre exécutif dans notre organisation», insiste Mme Harrison.

À preuve, en plus d'avoir créé le poste de président de Manuvie Québec pour Charles Guay, qui sera appuyé d'un nouveau «comité exécutif québécois», la haute direction torontoise de Manuvie a décidé de lui transférer à Montréal la vice-présidence des «marchés institutionnels» (rentes et assurances collectives) pour tout le Canada.

Aussi, Charles Guay participera désormais aux deux plus hautes instances administratives de Manuvie, les «comités mondiaux» de gestion interne et de gestion d'actifs de clients-investisseurs. Ces comités regroupent chacun une vingtaine de dirigeants des principales filiales de Manuvie au Canada, aux États-Unis et en Asie.

Par ailleurs, c'est à l'ex-président de la société Investissements Standard Life à Montréal, Roger Renaud, que Manuvie vient de confier la présidence canadienne de Gestion d'actifs Manuvie. Cette filiale importante gère quelque 310 milliards en actifs provenant de clients nord-américains et asiatiques.

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MANUVIE-STANDARD LIFE

FORCES:

> Fusion de sociétés déjà bien établies et renommées dans le marché canadien et québécois des produits d'assurance-vie et d'épargne, collectifs et individuels

> Compétitivité accrue d'un regroupement significatif d'offre et de capacité en services financiers aux particuliers, par des produits collectifs ou individuels

> Appui financier (Caisse de dépôt et placement) et professionnel du milieu des affaires de Montréal pour la meilleure réalisation de cette fusion d'envergure

FAIBLESSES:

> Gestion des attentes des 1,4 million de clients de Standard Life au Canada lors de leur transfert de contrats et de comptes chez Manuvie

> Gestion des attentes des actionnaires de Manuvie pour rentabiliser son acquisition la plus chère en une décennie (4 milliards, ou 18 fois le bénéfice par action de Standard Life au Canada, selon des analystes)

> Gestion des appréhensions et des attentes des employés et des représentants de Standard Life au Canada durant la fusion avec Manuvie, qui pourrait durer jusqu'à 24 mois