Le sujet est controversé en ces temps de soutien massif aux banques avec des fonds publics. Et il promet d'animer encore les prochaines assemblées d'actionnaires, qui commencent dans quelques jours.

Pour l'exercice 2008, c'est au moins 139 millions de dollars en rémunération (salaire et primes) que se sont partagés les 37 plus hauts dirigeants de sept banques canadiennes.

 

C'est ce que révèle un examen attentif des circulaires de direction des banques par La Presse Affaires. La dernière attendue, de la Banque Toronto-Dominion [[|ticker sym='T.TD'|]], a finalement été distribuée hier.

De cet examen, on constate que la rémunération totale des principaux banquiers en 2008 a diminué de 10% par rapport à l'exercice précédent.

Mais il faut souligner qu'en 2007, la rémunération totale de la trentaine des principaux banquiers avait atteint un record, avec 155 millions.

Par ailleurs, la baisse de 10% de la rémunération des principaux banquiers en 2008 demeure inférieure de moitié à l'atrophie de la valeur boursière (-21%) qu'ont subie leurs actionnaires durant ce même exercice.

Un écart semblable sépare la baisse de rémunération des banquiers et le recul moyen du bénéfice des banques en 2008, autour de 20%.

«Les dirigeants de certaines banques ont fait preuve d'un peu de modestie en 2008. Mais c'est encore loin du revers considérable subi par les actionnaires des banques», commente Normand Caron, ex-dirigeant fondateur du Fonds de solidarité FTQ qui est maintenant l'un des dirigeants du MEDAC, le Mouvement d'éducation et de défense des actionnaires.

Vif critique de la rémunération des dirigeants d'entreprises depuis des années, le MEDAC sera aux prochaines assemblées des banques avec des propositions d'actionnaires. Entre autres, il propose que la politique de rémunération des dirigeants de banques soit soumise à un «vote consultatif» parmi leurs actionnaires.

De telles propositions font d'ailleurs tache d'huile ces mois-ci parmi les actionnaires activistes qui se préparent aux assemblées d'actionnaires de dizaines de grandes entreprises nord-américaines.

Parmi eux, on compte une alliance basée à Washington qui regroupe plus de 70 investisseurs institutionnels et caisses de retraite.

Au Canada, l'organisation SHARE de Vancouver, vis-à-vis du MEDAC, a déjà obtenu l'appui de 40% des actionnaires de certaines banques avec ses propositions antérieures d'un vote sur la rémunération des hauts dirigeants.

SHARE et son associé, la firme de fonds éthiques Meritas, s'y remettront au cours des prochaines assemblées.

«Les banques ne sont pas les seules entreprises où la rémunération des hauts dirigeants est critiquable. Néanmoins, nous les ciblons parce qu'elles sont très influentes en tant qu'entreprises dont l'actionnariat et la clientèle sont les plus diversifiés», souligne Louise O'Neill, codirectrice de SHARE.

Cela dit, le sommaire de la rémunération des hauts dirigeants de banques en 2008 varie d'une banque à l'autre comme rarement auparavant.

Entre autres, c'est la principale banque au Québec, la Nationale [[|ticker sym='T.NA'|]], qui a le plus augmenté la rémunération de ses cinq principaux dirigeants. Elle atteint 19 millions, en forte hausse de 41% en raison surtout d'une prime évaluée à 5,8 millions attribuée à Luc Paiement, pour sa promotion en tant que vice-président à la direction des activités de «Gestion de patrimoine» des clients de la Nationale.

Par ailleurs, la Banque CIBC [[|ticker sym='T.CM'|]] demeure en tête du palmarès de la rémunération avec 23,6 millions parmi ses hauts dirigeants.

C'est une hausse de 9,6% consentie malgré l'énorme revers du résultat net (perte de 2 milliards) et de la valeur boursière (-46%) de la CIBC en 2008.

Par ailleurs, signe des temps, certaines banques vantent la baisse de la rémunération de leur président afin, disent-elles, de refléter le contexte économique difficile.

Le plus récent en liste: Ed Clark, président de la Banque TD, dont la circulaire publiée hier fait état de sa renonciation à 3 millions en primes de titres, qui seront remises à des oeuvres de bienfaisance.

La rémunération de M. Clark pour 2008 recule à 8 millions par rapport aux 11 millions déjà approuvés par le conseil de la TD.

Aussi, cette renonciation gonfle à 19,7 millions la valeur des rémunérations écartées par les présidents de quatre des sept principales banques.

Il y a deux semaines, Gordon Nixon, président de la Royale [[|ticker sym='T.RY'|]], et Bill Downe, de la Banque de Montréal [[|ticker sym='T.BMO'|]], ont renoncé à 9 millions en primes, même après leur approbation par leur conseil respectif.

Pour sa part, la Banque CIBC a révélé dans sa circulaire que son président, Gerry McCaughey, avait demandé et convenu que sa rémunération admissible soit réduite d'un peu plus de moitié, à 5,3 millions.

Toronto-Dominion

Rémunération des hauts dirigeants

31,5 millions (-13%) par rapport à 2007

En Bourse (1) -20%

Résultat net - 4%

CIBC

Rémunération des hauts dirigeants

23,65 millions (" 9,6%)

En Bourse (1) -46%

Résultat net -162%

Montréal

Rémunération des hauts dirigeants

21,8 millions (-10,5%)

En Bourse (1) -31%

Résultat net - 7%

Royale

Rémunération des hauts dirigeants

20,89 millions (-35 %)

En Bourse (1) -16%

Résultat net - 17%

Nationale

Rémunération des hauts dirigeants

19,08 millions ("41%) (2)

En Bourse (1) -17%

Résultat net "43% (3)

Scotia

Rémunération des hauts dirigeants

18,4 millions (-24%)

En Bourse (1) -13%

Résultat net - 22%

Laurentienne

Rémunération des hauts dirigeants

4,83 millions (" 22%)

En Bourse (1) -6%

Résultat net "8,4%

Total des rémunérations 139 millions (-10%) par rapport à 2007

Moyenne des baisses en Bourse -21%

Moyenne des résultats nets -20%

1: Durant l'exercice financier des banques (début et fin au 31 octobre)

2: Comprend une prime de «rémunération différée» de 5,8millions à Luc Paiement, VP exécutif

3: Regain de profit en 2008 amplifié par la chute de 37% en 2007, provoquée surtout par la crise des PCAA.

Sources : circulaires de direction des banques, Bloomberg, Bourse de Toronto