S'il refuse de conclure à une «crise», le groupe de travail sur le cinéma québécois proposera 20 solutions au gouvernement du Québec dans un rapport fort attendu qui sera dévoilé vendredi et obtenu par La Presse.

Les principales recommandations du groupe? Verser au cinéma québécois les 17 millions de dollars de TVQ perçue sur les billets de cinéma. Clarifier les objectifs de la SODEC. Créer un fonds pour le cinéma à Télé-Québec. Mesurer le nombre de spectateurs joints sur toutes les plateformes plutôt que seulement par les recettes au box-office. Faire suivre de plus près par la SODEC le processus de création d'un film. Présenter davantage de films québécois dans les écoles.

Pas de nouvelle taxe

Après avoir évalué la possibilité de recommander une nouvelle taxe sur les billets de cinéma, le Groupe de travail sur les enjeux du cinéma a plutôt penché pour une autre solution, qui «n'entraînerait pas de coûts additionnels pour le consommateur»: verser la TVQ perçue sur les billets de cinéma au soutien du cinéma québécois. Une nouvelle «taxe aurait vraisemblablement pour effet d'accentuer cette baisse» du cinéma québécois au box-office, indique-t-on dans le rapport. De toute façon, le gouvernement Marois avait rejeté le mois dernier l'idée d'une nouvelle taxe pour le cinéma québécois.

Le groupe de travail coprésidé par le président de la Société de développement des entreprises culturelles (SODEC), François Macerola, et la sous-ministre québécoise de la Culture, Rachel Laperrière, estime que le cinéma québécois n'est pas en «crise». «Le terme est inapproprié et excessif» en raison des «variations annuelles très significatives» au box-office des films québécois, dont les parts de marché sont passées de 18,2 % en 2005 (l'année de C.R.A.Z.Y.) à 4,8 % en 2012.

Parmi ses 20 recommandations, le groupe de travail formé en mai dernier suggère d'en étudier une pour l'ensemble de l'industrie culturelle (livres, disques, magazines, émissions de télé): trouver une nouvelle source de financement liée aux appareils électroniques, que ce soit en taxant les appareils électroniques ou en demandant aux fournisseurs d'accès internet et/ou à Netflix de financer la culture. Le groupe de travail comprend 15 membres de tous les secteurs de l'industrie, dont l'acteur Michel Côté, la PDG de Télé-Québec, Michèle Fortin, le producteur Pierre Even et les réalisateurs Daniel Grou (Podz) et Jean-François Pouliot.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

Une photo prise sur les lieux du tournage du film québécois Hot Dog.

Dix recommandations du rapport

1. Verser la taxe de vente du Québec perçue sur les billets de cinéma (17 millions) à des activités de soutien du cinéma québécois.

2. Clarifier les objectifs de la SODEC. Selon le rapport, il y a une «perception non fondée» que la SODEC «privilégie les films d'auteur [...] au détriment des comédies et autres genres de films grand public». «La SODEC aurait peut-être intérêt à prendre davantage en compte le potentiel des différents types de films et de moduler plus clairement ses attentes», écrit-on.

3. Octroyer davantage de ressources au développement des scénarios, notamment en permettant aux auteurs de bénéficier de l'appui d'autres professionnels.

4. Avoir suffisamment de concurrence en distribution, notamment en permettant des partenariats de codistribution entre producteurs et distributeurs. Selon le rapport, 49 % des revenus de distribution vont aux studios hollywoodiens, 27 % à eOne et 4 % à la quinzaine d'autres distributeurs.

5. Réduire l'intervalle entre la fin de la diffusion d'un film dans les salles de cinéma et sur les autres plateformes (par exemple: télé payante, DVD, iTunes, Netflix).

6. Accroître la participation des diffuseurs télé dans le financement du cinéma, notamment en octroyant une enveloppe additionnelle pour le cinéma à Télé-Québec pendant cinq ans et en s'assurant que Radio-Canada ne diminue pas son budget pour le cinéma québécois.

7. Inciter les producteurs à investir davantage dans leurs films, notamment en leur permettant de récupérer leur investissement plus rapidement sur les recettes des films.

8. Permettre aux réalisateurs établis de tourner de façon plus régulière, tout en conservant la qualité d'un projet comme critère numéro un de subvention à la SODEC.

9. Mesurer le succès d'un film québécois sur le nombre de spectateurs rejoints sur l'ensemble des fenêtres, pas seulement sur les revenus générés au box-office. Tenir compte des sélections d'un film dans les festivals internationaux ainsi que de l'auditoire international.

10. Avoir une politique gouvernementale pour présenter davantage de cinéma québécois dans les écoles et au cours de sorties culturelles.

Entre 5 et 6 % du box-office en 2013

Après avoir dégringolé de 12,8 % en 2009 à 4,8 % en 2012, les parts de marché du cinéma québécois au box-office ont légèrement augmenté cette année. Selon les estimations de la firme Cinéac, les films québécois généreront entre 5 et 6 % des parts de marché cette année. L'année 2013 sera toutefois de loin la deuxième plus mauvaise année pour les films québécois au box-office depuis une quinzaine d'années.

«Le cinéma québécois ne va pas bien, affirme Pascale Dubé, directrice générale de la firme Cinéac. On essayait de rester calmes l'an dernier, mais avec deux ans consécutifs avec 5 % du box-office, on peut définitivement dire qu'il y a un problème avec les parts de marché du cinéma québécois. Est-ce qu'on doit maintenant se contenter de 5 % des recettes? Est-ce que le public est rendu ailleurs, sur d'autres plateformes?»

Photo: fournie par Films Séville

Gabrielle

Le box-office québécois en 2013

Louis Cyr: 4 067 856 $

Gabrielle: 1 248 336 $*

Amsterdam: 501 071 $*

La légende de Sarila: 432 587 $

Hot Dog: 365 270 $

Revenus au box-office au 10 novembre (taxes incluses)

* Films toujours présentés dans les salles de cinéma

Source: Cinéac