Toutes les crises ne sont pas égales. Il y en a de plus graves que d'autres. Ainsi, on peut penser que l'acharnement de Lassonde à défendre sa marque de commerce est moins grave que les millions de dollars de dépenses dont les dirigeants de SNC-Lavalin ont perdu la trace.

Dans tous les cas, la perte est grande pour l'entreprise qui la vit, parce qu'elle touche ce qu'elle a de plus précieux, sa réputation.

Industries Lassonde pourra peut-être se faire pardonner son erreur d'avoir choisi de défendre son produit plutôt que sa réputation. L'effet sur la valeur de l'action de Lassonde a été modeste, mais la crise aura peut-être un impact sur les ventes si des clients lui tournent le dos, estime Nathalie de Marcellis-Warin.

Les entreprises qui récupèrent le mieux d'une crise seront toujours celles qui anticipent les risques et qui réagissent rapidement après coup. Ç'a été le cas de Lassonde, croit la chercheuse, dont les dirigeants ont admis qu'ils maîtrisaient encore mal les médias sociaux et ont reconnu qu'ils avaient eu tort d'écraser une entreprise bien plus petite.

BP, le géant du pétrole qui a toujours été très soucieux de son image et qui a les moyens de la soigner, a lui aussi bien réagi au lendemain de l'explosion de sa plateforme pétrolière dans le golfe du Mexique. L'entreprise a aussitôt annoncé qu'elle dédommagerait tous ceux qui avaient été affectés et s'est empressée de mettre de côté 40 milliards de dollars à cet effet.

C'est après que ça s'est gâté. «C'est la pire gestion de crise que j'ai jamais vu, assure Serban Teodoresco. Ils ont complètement oublié le côté émotif de l'événement pour la population américaine.»

Ce désastre humain et écologique n'est pas un accident, selon le rapport de la commission qui a fait enquête, mais le résultat d'une mauvaise évaluation des risques de la part de BP.

Les exemples de mauvaise évaluation du danger foisonnent. En ne réagissant pas immédiatement à la panne majeure qui a affecté 40 millions de clients en octobre dernier, les dirigeants de RIM ont laissé encore plus de place à la concurrence qui les talonnait. Les dirigeants ont ensuite quitté leur poste, mais le mal était fait. Les erreurs ne pardonnent pas dans le monde coupe-gorge de la technologie.

Mauvais jugements, accidents, terrorisme, les crises peuvent venir de partout. «Les entreprises n'ont jamais été aussi vulnérables», dit Serban Teodoresco.

Tylenol

En 1982, sept personnes meurent à proximité de Chicago après avoir pris des comprimés Tylenol, qui se sont avérés avoir été empoisonnés au cyanure.

Très rapidement, la direction de Johnson & Johnson ordonne le rappel de tous les Tylenol en vente aux États-Unis.

Dans les mois qui ont suivi, les ventes ont chuté et la part de marché de Tylenol est passée de 37% à 7%.

La rapidité d'intervention de la direction de l'entreprise, ainsi que les mesures prises par la suite pour regagner la confiance des consommateurs, comme le sceau de sécurité sur les bouteilles, ont toutefois permis au médicament de Johnson & Johnson de reprendre son titre d'analgésique le plus vendu aux États-Unis.

Perrier

En 1990, des traces de benzène sont décelées dans 13 bouteilles d'eau Perrier aux États-Unis.

Sans attendre les résultats de l'enquête, l'entreprise ordonne le rappel des 160 millions de bouteilles mises en vente sur le marché américain. Cette rapidité d'intervention a été saluée de prime abord, mais la suite de l'affaire s'est avérée désastreuse pour l'entreprise.

L'enquête a mis hors de cause l'entreprise, mais la direction a été obligée de révéler que son eau n'était pas gazéifiée naturellement, comme elle l'avait toujours laissé croire.

Deux ans plus tard,Perrier avait récupéré seulement 60% de sa part de marché aux États-Unis et l'entreprise est passée aux mains de Nestlé.

BP

En avril 2010, une plateforme pétrolière exploitée par BP explose dans le golfe du Mexique, faisant 11 morts.

Le géant pétrolier, qui a toujours investi beaucoup dans la gestion de sa réputation en matière de respect de l'environnement réagit rapidement et assume la responsabilité de la catastrophe.

C'est dans les mois qui suivent que ça se gâte. Le président Tony Hayward affirme qu'il veut retrouver sa vie d'avant la catastrophe et il est vu en train de s'amuser à une régate dans le sud de l'Angleterre, deux mois après le pire déversement pétrolier de l'histoire des États-Unis.

C'en est trop et Tony Hayward sera remplacé. BP est encore loin d'avoir récupéré ses pertes, puisque les poursuites en cours gardent l'événement dans l'actualité.