Le déploiement du Plan Nord, annoncé lundi dernier par le gouvernement du Québec, posera tout un défi de recrutement de main-d'oeuvre dans le secteur minier, ce qui préoccupe l'industrie.

À l'Association minière du Québec, le directeur des communications et des affaires publiques, André Lavoie, a indiqué en entrevue qu'avant même l'annonce du Plan Nord, l'industrie avait besoin de 6000 travailleurs d'ici cinq ans.

Or, le Plan Nord accroîtra considérablement la demande pour les travailleurs des mines - opérateurs de machinerie, soudeurs, foreurs, électriciens et autres -, mais aussi pour les technologues du niveau collégial et les ingénieurs géologues et ingénieurs miniers.

Déjà, on se les arrache, ont confirmé tant l'industrie que le milieu de l'enseignement. Le Québec a, semble-t-il, une expertise reconnue mondialement en formation supérieure dans le domaine minier.

«L'expertise est tellement connue qu'à l'université, ici, ça pose un problème, parce que les pays comme le Brésil viennent chercher nos ingénieurs, relate M. Lavoie. Ils se promènent directement sur les campus. On en perd beaucoup vers l'Australie aussi. Il y a deux ou trois ans, des minières du Brésil se sont mises ensemble et sont allées directement sur un campus universitaire et ont embarqué tous les étudiants qui le voulaient en génie minier et leur ont fait faire le tour des activités au Brésil... avec, bien sûr, un petit séjour à la plage. Et tous ces gens-là avaient des offres d'emploi.»

Seulement trois cégeps au Québec offrent une formation de niveau collégial dans le domaine de la technologie minière, précise-t-on à la Fédération des cégeps: le Cégep de Thetford, le Cégep de l'Abitibi-Témiscamingue et le Cégep de Sept-Îles.

Cette année, le Cégep de Thetford compte 25 finissants dans ses trois options spécialisées de la Technologie minérale. En deuxième année, ils sont 30 à 35 étudiants et, en première année, seulement une douzaine, a relaté en entrevue Éric Dubois, enseignant en Technologie minérale au Cégep de Thetford et lui-même ingénieur géologue.

Avec le Cégep de Rouyn-Noranda et celui de Sept-Îles, qui ne fait que commencer son programme, ce sont tout au plus 50 à 60 finissants en Technologie minérale qui seront diplômés au Québec, estime M. Dubois.

Les finissants des cégeps, «les employeurs se les arrachent», confirme M. Dubois.

«C'est vraiment plaisant de les voir partir. Ils sont même gâtés un peu. Il n'y a pas de compétition, en fait.»

Les salaires peuvent commencer à 40 000 $ dans les régions de Québec et Montréal, pour certaines spécialités, à 80 000 $ pour un débutant, même, dans le Nord. M. Dubois parle justement d'un de ses finissants du cégep qui ira travailler à la mine Ragland de X-Strata comme stagiaire à «un petit peu en haut de 80 000 $». Et c'est sans compter «la prime nickel qui correspond à 26 pour cent de leur salaire annuel par-dessus ça».

Le travail et les conditions de vie du mineur ont bien changé, assurent l'industrie et le milieu de l'enseignement.

«Ce sont de très bonnes conditions. Ils travaillent en «way in way out', c'est-à-dire qu'ils ne sont pas installés là-bas. On n'est plus comme dans le temps des grands travaux de la Baie-James où les pères de famille partaient pour deux mois, trois mois en continu. La tendance pour l'industrie minière est de faire deux semaines «in» et deux semaines «out»', relate M. Dubois.

Ses technologues ne font pas le travail de mineurs, mais font de la supervision, agissent comme contremaîtres, font du travail de ventilation, de soutènement, d'arpentage, d'analyse de données sur la mécanique des roches. «Ils sont comme l'intermédiaire entre l'ingénieur et les mineurs», illustre M. Dubois.

M. Lavoie, de l'Association minière, indique que l'industrie doit recourir à différentes stratégies pour réussir à recruter suffisamment de main-d'oeuvre, notamment par les médias sociaux.

«On travaille avec les autochtones, avec les immigrants, avec la présence féminine. On a embauché beaucoup de gens aussi qui venaient du secteur forestier. Comment on peut faire, avec une arrivée massive de gens qui arrivent de profils différents, pour s'assurer qu'il y ait un transfert de connaissances? Parce qu'il y a beaucoup de gens qui vont partir à la retraite aussi», relate M. Lavoie, qui souligne que l'industrie minière avait déjà tout un défi à relever, avant même l'annonce du Plan Nord.