Le Québec peut difficilement faire l'économie d'une réforme majeure de son système de santé s'il veut assainir pour de bon ses finances publiques, croit l'économiste Pierre Fortin. Ce dernier vient de signer une étude de l'institut C.D. Howe sur les finances publiques de la province dans laquelle il exhorte le gouvernement Charest à garder le cap sur l'équilibre budgétaire prévu pour 2013-2014.

À défaut de faire le ménage, le vieillissement de la population exercera une pression telle sur le budget de la santé qu'il mettra en péril l'exécution des autres missions essentielles de l'État. «Ce serait une tragédie», écrit le professeur de l'UQAM. Déjà, le gouvernement peine à payer des conditions de travail décentes à ses procureurs au moment où il ambitionne de lutter contre le crime organisé.

Le Québec ferait face à un déficit structurel de 12 milliards de dollars en 2013-2014 si rien n'est fait. Un déficit structurel n'a rien à voir avec la récession, mais est causé par des dépenses qui augmentent plus rapidement que les revenus année après année.

Fait encourageant, le gouvernement a déjà commencé à bouger. Selon son plan destiné à rétablir l'équilibre budgétaire, l'État ira chercher des revenus additionnels de 4,3 milliards et comprimera les dépenses de programmes près de 6 milliards, ou 8 %. L'effort, qui correspond à 2 % du produit intérieur brut (PIB), équivaut en ordre de grandeur à ce que le gouvernement de Lucien Bouchard a fait à partir de 1996.

S'attaquer aux vaches sacrées

Ce plan, d'après M. Fortin, permet de rétablir la viabilité des finances provinciales. Toutefois, pour que la solution obtienne l'appui du public, les compressions de dépenses devront se faire par une amélioration de la productivité des services gouvernementaux et non pas par des réductions aveugles de services.

«L'urgence d'augmenter la productivité gouvernementale au moyen d'une révision en profondeur des façons de faire plutôt que d'ajustements marginaux est particulièrement évidente dans le secteur de la santé.» Il rappelle que, depuis 1988, le gouvernement a commandé pas moins de neuf rapports sur la santé, «dont une bonne part est restée sans suite». C'est le temps, dit-il, de passer à l'action.

L'auteur de l'étude identifie des pistes de solution, dont certaines interpellent le gouvernement fédéral. Par exemple, il prône l'abolition du transfert canadien en santé et son remplacement par des points d'impôt ou des points de TPS. Pierre Fortin propose d'introduire de la flexibilité dans la loi canadienne sur la santé. Il souhaite également que l'on donne un rôle complémentaire au secteur privé. Autrement dit, trois vaches sacrées.

Finalement, pour contrer les effets néfastes du vieillissement de la population sur la croissance économique et cause principale du déficit structurel, l'économiste insiste sur l'urgence d'augmenter la productivité québécoise en favorisant l'éducation, l'accès aux marchés extérieurs, ceux de l'Asie en particulier, la concurrence, l'épargne et l'investissement.