Le gouvernement du Québec fait exactement le contraire de ce qui est suggéré pour faire accepter la tarification des services publics aux contribuables.

C'est ce qu'affirme le professeur Gilles Larin, titulaire de la Chaire de recherche en fiscalité de l'Université de Sherbrooke. Ces derniers mois, la Chaire a produit une série de fascicules sur la tarification, analysant la question sous toutes les coutures.Pour la Chaire, il ne fait aucun doute que ce mode de financement des services publics est incontournable. Il rend les utilisateurs des services plus conscients des coûts, et les tarifs incitent à consommer moins.

Toutefois, pour instaurer ce système plus efficace, croit M. Larin, il est impératif que les contribuables ne perçoivent pas ces tarifs comme un fardeau additionnel. Selon le chercheur, le gouvernement devrait compenser l'imposition d'un tarif par une baisse d'impôt équivalente, en autant que possible.

Vendredi, le ministère des Finances a lancé une consultation pré-budgétaire dans laquelle il fait de la hausse des tarifs l'un des trois choix qui s'offrent au gouvernement pour atténuer l'impact de la crise sur les finances publiques. Les deux autres avenues sont la réduction des dépenses dans certains programmes ou la suspension des versements au Fonds des générations, fonds qui servira ultimement à rembourser la dette.

«Le gouvernement va dans le mauvais sens, dit M. Larin. Il aura de la difficulté à convaincre la population sur l'efficacité et la pertinence des tarifs s'il laisse entendre que leur imposition vise à combler les problèmes de finances publiques», dit M. Larin.

Des fonds dédiés

Qui plus est, pour que la tarification soit efficace et acceptée, les revenus qui en découlent doivent être dédiés plutôt qu'être versés dans le fonds consolidé. «Le gouvernement doit absolument laisser au sein des ministères et organismes tous les montants perçus pour les services offerts et les rendre imputables de ces montants devant l'Assemblée nationale», écrivent les chercheurs Gilles Larin et Daniel Boudreau dans le 5e fascicule de la série «La tarification des services publics : financement différent ou taxe supplémentaire?»

Aux États-Unis, explique M. Larin, les taxes perçues des automobilistes (essence, immatriculation, etc.) sont exclusivement consacrées aux routes dans tous les états sauf un. «C'est ce qui explique en partie la qualité des routes aux États-Unis», dit M. Larin.

L'illusion de gratuité des services publics incitent les contribuables à surconsommer. Or, «le Québec se dirige en TGV dans un mur. Avec le vieillissement de la population, 80% des dépenses publics seront consacrées à la santé dans 20 ans. Il faut instaurer des moyens de financement plus efficace», croit M. Larin.

Dans le contexte actuel, le gouvernement ne propose pas la tarification pour améliorer l'efficacité des services, mais pour atténuer le déficit, souligne M. Larin.

Des péages sur les routes

Entre autres tarifs, la Chaire de fiscalité propose l'introduction de péages sur les routes. Certes, les infrastructures en place ont déjà été payées avec les taxes aux automobilistes (essence, immatriculation, etc.). Toutefois, les péages serviront à l'entretien et la réparation du réseau existant et la construction de nouvelles routes.

«Les péages sur les routes sont en plein extension partout dans le monde. La technologie aujourd'hui permet d'éliminer une bonne partie des postes de péage avec préposés» et par conséquent le ralentissement de la circulation, est-il écrit dans le fascicule.

Des tarifs modulés en fonction de l'heure de la journée pourraient même servir à atténuer les bouchons de circulation. Par exemple, des tarifs plus bas en dehors des heures de pointe inciteraient les automobilistes à s'adapter. Et la réduction des engorgements qui en découlerait améliorerait l'efficacité du réseau de transport, soutient la Chaire.

Bref, les tarifs sont incontournables, mais ils ne doivent pas être des taxes déguisées servant à combler le manque à gagner du gouvernement, dit M. Larin.