Si plusieurs ex-employés de GM se sont ennuyés de leur chèque de paie après la fermeture de leur usine, la ville de Boisbriand, elle, s'est bien remise de cette perte.

En réalité, la ville se porte même mieux que lorsque l'usine était en activité, selon la mairesse Sylvie St-Jean.

Faubourg Boisbriand, le complexe commercial et résidentiel qui occupe maintenant l'emplacement de l'usine, a généré 3 millions d'impôts fonciers en 2008, comparativement aux 2,5 millions par année qui provenaient de GM. La ville s'attend à recevoir jusqu'à 10 millions par année en taxes lorsque le projet sera complété.

 

Élue à la mairie en 2005, Sylvie St-Jean était membre du conseil municipal quand GM a plié bagage, en 2002. «Ça n'a pas été facile», rappelle-t-elle.

À l'époque, on prévoyait le pire. Les emplois disponibles étaient loin d'offrir le même salaire que le fabricant américain d'automobiles. Dans les commerces de détail qui ont poussé sur les ruines de l'usine, le salaire tourne autour de 8,50$, loin des 30$ l'heure des employés de GM. Les sous-traitants allaient tous périr. La région pouvait se vider de ses habitants.

Ce n'est pas ce qui s'est passé. La région a connu une croissance démographique soutenue. À proximité de Boisbriand, d'autres emplois de qualité ont été créés, notamment dans le secteur aéronautique (Bombardier, Pratt&Whitney) et dans le secteur du transport (Nova Bus).

«Malgré la fermeture des installations de GM à Boisbriand, l'industrie axée sur la fabrication de matériel de transport ne s'est pas effondrée dans les Laurentides», constate l'économiste Louis Gagnon, de Desjardins, qui a examiné de près les forces et les faiblesses de la région.

L'attrait de la région pour les premiers acheteurs de maisons a créé un véritable boom démographique, ce qui a stimulé les investissements dans la construction, le commerce de détail et les autres services, explique-t-il.

Résultat: le taux de chômage, qui avait légèrement remonté en 2002, s'est remis à diminuer en 2003. Il se situe depuis à un niveau inférieur à la moyenne québécoise, qui est de 7,4%.

La proximité de Montréal et sa situation stratégique au carrefour des autoroutes 15 et 640 a facilité l'occupation rapide de l'immense terrain occupé par l'usine. Il a été racheté pour 53 millions par la firme américaine Cherokee, dont le siège social est à Raleigh, en Caroline-du-Nord.

Faubourg Boisbriand est un projet à long terme qui devrait accueillir des investissements totalisant un milliard de dollars dans des commerces, des résidences et des entreprises.

Selon Hélène Gignac, chef de l'exploitation de Faubourg Boisbriand, 65% du volet commercial est complété. Côté résidentiel, 300 des 1700 unités d'habitation devraient être livrées à la fin de l'année.

Un parc d'affaires devrait venir s'ajouter aux volets commercial et résidentiel, si tout se passe comme prévu. Le ralentissement économique pourrait retarder le projet, mais pas le compromettre. «Les gens sont plus prudents dans leurs décisions, mais les choses continuent d'avancer», assure Hélène Gignac.

Pour compléter leur projet, les promoteurs de Faubourg Boisbriand rêvent d'une gare qui mettrait le centre-ville de Montréal à quelques minutes des résidants. Des résidants qui peuvent déjà trouver de tout à distance de marche de leur maison, qui profitent de voies cyclables et qui pourraient vivre sans auto. C'est tout un changement de vocation pour un emplacement où il s'est fabriqué des voitures pendant 37 ans.

À terme, Faubourg Boisbriand devrait générer autant d'emplois que l'usine GM à sa fermeture, soit environ 1500.

Les salaires et les conditions de travail reliées à ces emplois, surtout dans le commerce de détail, sont toutefois à des années-lumière de celles dont ont profité les salariés de GM.

L'économiste de Desjardins en convient: les salaires et autres avantages payés par GM sont impossibles à battre, et sont d'ailleurs responsables en partie des difficultés actuelles du manufacturier.

Malgré tout, des entreprises comme Bombardier et Pratt&Whitney ont besoin de travailleurs qualifiés et doivent offrir de bons salaires pour les garder, souligne Louis Gagnon.

Avec le temps, la région a prouvé qu'elle pouvait vivre sans GM. En 2001, 23,1% des résidants travaillaient à l'extérieur de la région (surtout à Montréal). En 2006, cette proportion n'était plus que de 21,8%. «Elle réussit à décoller son étiquette de région-dortoir», constate l'économiste.