Greenpeace a publié lundi 248 pages de documents prouvant à ses yeux l'étendue des conséquences néfastes sur la santé et l'environnement qu'aurait le traité de libre-échange TTIP en négociation entre l'UE et les États-Unis, une fuite aussitôt minimisée par Bruxelles.

«Aucun accord commercial de l'Union européenne n'abaissera jamais notre niveau de protection des consommateurs, de sécurité alimentaire ou de protection de l'environnement», a affirmé la commissaire au Commerce Cecilia Malmström, qui mène la négociation côté européen, face à cette fuite inédite qui confirme selon Greenpeace «les menaces sur la santé, l'environnement et le climat» du futur TTIP.Une «tempête dans un verre d'eau», a estimé Mme Malmström qui regrette des «malentendus», l'ONG Greenpeace fondant ses critiques sur des documents de travail provisoires. Mais elle a reconnu aussi que vu l'ampleur des divergences, «dans certains domaines (...), il n'y aura tout simplement pas d'accord» entre Américains et Européens.

Une manière de déminer le terrain alors que cette négociation engagée en 2013 sur le TTIP, également appelé Tafta, a suscité une levée de boucliers en Allemagne et plus récemment en France, où les socialistes au pouvoir durcissent le ton à un an des élections.

Les Européens sont particulièrement mal à l'aise face au recours souhaité par les États-Unis à l'arbitrage pour trancher d'éventuels différends entre les États et des multinationales qui s'estimeraient lésées par une législation nationale.

Allemands et Français sont aussi très sourcilleux sur tout ce qui touche à l'agriculture et à l'environnement. Dimanche, le président François Hollande a averti que la France dirait «non à toute conclusion qui mettrait notre agriculture en difficulté».

«On ne peut pas faire confiance à la Commission»

Dans les 248 pages de documents de négociations mises en ligne lundi matin par l'antenne néerlandaise de Greenpeace, treize des 17 chapitres du futur accord (dont l'agriculture, les droits de douane, la coopération règlementaire, les tribunaux d'arbitrage, etc.) sont passés en revue. Pour chacun sont mentionnées entre crochets les positions européennes et américaines.

Les documents --produits selon l'ONG à partir d'originaux recopiés puis détruits afin de protéger la source de la fuite-- sont antérieurs au treizième round des négociations, qui s'est tenu la semaine dernière à New York.

Inaboutis, ils exposent les divergences encore substantielles entre les deux parties, qui négocient depuis mi-2013 ce traité visant à abolir les barrières commerciales et réglementaires entre les deux zones.

Exemple: les Américains refusent catégoriquement d'arrêter de produire des vins portant des noms d'appellations protégées en Europe, comme le Champagne, le Chablis ou encore le Chianti.

Pour les détracteurs du traité, à qui ces fuites ont redonné du grain à moudre, l'Europe s'expose à un abaissement de ses standards en matière d'agroalimentaire.

«Le contraste entre les positions officielles de chaque partie est bien plus fort que ce que la Commission européenne a bien voulu reconnaître publiquement», a commenté Reinhard Bütikofer, qui copréside le groupe des Verts au Parlement européen.

«De toute évidence, on ne peut pas faire confiance à la Commission pour bien défendre les intérêts européens dans cette bataille politique», a ajouté l'eurodéputé allemand.

Un avis partagé par le collectif «Stop Tafta» (Les Amis de la Terre, Foodwatch, etc.) et par Jorgo Riss, directeur de Greenpeace Europe, pour qui «les négociations doivent s'arrêter parce que les négociateurs actuels n'agissent pas dans l'intérêt du public».

«Entretenir la méfiance de l'opinion»

En Allemagne, où l'opposition au TTIP dans la société civile est très nourrie, le quotidien Süddeutsche Zeitung, qui a obtenu les documents à l'avance, juge que «la réalité des négociations surpasse les pires pressentiments».

«C'est normal que dans des négociations (...) les deux parties aient des positions différentes», a tempéré le porte-parole de la chancelière Angela Merkel, confirmant le «grand intérêt» de Berlin pour la conclusion d'un accord.

Allant plus loin que Cecilia Malmström, le négociateur en chef pour l'UE Ignacio Garcia Bercero a assuré que «certains des commentaires de Greenpeace sur les documents fuités étaient complètement faux».

«Nous avons été très clairs sur le fait que nous n'accepterions aucun accord qui impliquerait un quelconque changement de notre réglementation sur les OGM», a-t-il notamment défendu.

«Les interprétations faites de ces documents semblent être au mieux trompeuses et au pire totalement erronées», a renchéri aux États-Unis un porte-parole de la Représentation américaine au Commerce extérieur (USTR), qui mène les négociations avec Bruxelles.

Le président américain Barack Obama souhaite que les négociations soient bouclées avant son départ en janvier 2017. Et une semaine après sa visite en Allemagne où il a réaffirmé ce voeu, la fuite de Greenpeace ne peut être une coïncidence, ont fait valoir certains défenseurs du traité.

«Cette publication a pour but d'entretenir la méfiance de l'opinion», a dénoncé le patronat de l'industrie chimique allemande.

Bruxelles regrette des «malentendus» après la fuite de documents

BRUXELLES - La Commission européenne a regretté lundi des «malentendus» après la fuite de documents confidentiels sur le traité de libre-échange TTIP actuellement en négociation avec les États-Unis, et assuré que l'UE n'accepterait «jamais» d'abaisser son niveau de protection des consommateurs ou de l'environnement.

«Aucun accord commercial de l'UE n'abaissera jamais notre niveau de protection des consommateurs, de sécurité alimentaire ou de protection de l'environnement», a affirmé sur son blogue la commissaire Cecilia Malmström. «Les accords commerciaux ne changeront pas nos lois sur les OGM ou sur la façon de produire de la viande de boeuf en toute sécurité, ou sur la façon de protéger l'environnement», a-t-elle insisté.

«Je ne suis pas de celles qui vont abaisser les normes», a ajouté Mme Malmström, soulignant avant tout que les documents publiés lundi par l'ONG Greenpeace «ne traduisent pas ce qui résultera de la négociation» en cours et regrettant donc «un certain nombre de malentendus».

L'ONG écologiste affirme que les 248 pages de documents confidentiels du projet d'accord représentent deux tiers du texte du futur traité de libre-échange, assurant que ces pages «confirment les menaces sur la santé, l'environnement et le climat».

«Ils reflètent les positions de négociation de chaque partie, rien d'autre», estime au contraire Mme Malmström. «Et ce n'est une surprise pour personne qu'il y a des domaines où l'UE et les États-Unis ont des points de vue différents».

«Dans certains domaines, où nous sommes encore trop éloignés les uns des autres dans la négociation, il n'y aura tout simplement pas d'accord», a-t-elle encore déclaré.

Et de marteler : «Un accord de l'UE ne peut changer la législation que pour la renforcer. Nous pouvons tomber d'accord avec un partenaire pour renforcer par rapport à auparavant les règles entourant la sécurité des médicaments, par exemple, mais pas pour les affaiblir».

Depuis mi-2013, les États-Unis et l'Union européenne tentent de parvenir à un accord qui supprimerait les barrières commerciales et règlementaires, mais qui rencontre des résistances croissantes dans la société civile et auprès des dirigeants politiques.

Le président américain Barack Obama souhaiterait boucler les négociations d'ici la fin de l'année avant l'arrivée à la Maison-Blanche de son successeur, qui sera élu en novembre.