Le fournisseur privilégié de cannabis qui a été retenu par la Société des alcools du Québec (SAQ), la société gatinoise Hydropothecary, est déjà fin prête pour livrer ses premiers kilos de marchandises dès le 1er juillet prochain par l'entremise du nouveau réseau de la Société québécoise du cannabis. L'entreprise s'est engagée à livrer 20 tonnes de cannabis dès la première année de son contrat et son PDG, Sébastien St-Louis, ne craint nullement de se retrouver en rupture de stock...

Il faut dire que l'entrepreneur qui est à la tête d'Hydropothicaire (la version francisée d'Hydropothecary) a longuement planifié le virage commercial de l'entreprise qui produisait au départ du cannabis en fleurs et en produits dérivés à des fins médicales.

« On a obtenu la 17e licence canadienne de producteur autorisé lorsque le programme médical a été mis en vigueur en juillet 2013. On a obtenu une licence phasée.

« Durant trois ans, on a mis en place un processus opérationnel normalisé avec une traçabilité complète qui part de la semence jusqu'au dixième de gramme commercialisé. Toute notre production est fichée et suivie dans le temps », précise Sébastien St-Louis.

Lorsqu'il décide de se lancer dans la production de cannabis médical, l'entrepreneur obtient le financement auprès de ses proches à coup de 10 000 $. Durant trois ans, l'entreprise a organisé sa production et n'a commencé ses ventes que l'an dernier.

« On a vendu l'an dernier pour 4 millions de cannabis à des fins médicales », souligne Sébastien St-Louis.

« Avec le contrat de la SAQ, on va vendre pour plus de 100 millions de cannabis pour adulte cette année et pour 1 milliard au cours des cinq prochaines années. »

- Sébastien St-Louis

Ces prévisions ne tiennent compte que du contrat avec la Société québécoise du cannabis (SQDC), Hydropothicaire a également soumissionné pour devenir fournisseur officiel des provinces de l'Ontario, de l'Alberta et de la Colombie-Britannique, qui doivent bientôt rendre public le nom des entreprises qui seront leurs partenaires.

INVESTISSEMENTS ET FINANCEMENT

Pour répondre à l'important contrat de la SAQ - fournir 200 tonnes métriques de cannabis au cours des cinq prochaines années -, Hydropothicaire a dû réaliser des investissements importants.

L'entreprise qui a entrepris ses activités de production de cannabis médical avec une serre de 50 000 pieds carrés vient de terminer la construction d'une nouvelle serre de 250 000 pieds carrés, un investissement de 35 millions qui lui permet de produire 20 tonnes de cannabis dès cette année.

« L'an prochain, il faut livrer 35 tonnes, puis 40 et enfin 50 tonnes au cours des années quatre et cinq. On est en train de construire des serres qui vont ajouter 1 million de pieds carrés. C'est un investissement de 130 millions et les travaux vont être exécutés d'ici la fin de l'année », assure l'entrepreneur.

« On a déjà réalisé le tiers de la production de cette année pour la SAQ », précise-t-il.

Pour financer son développement hyper rapide, Hydropothicaire a réalisé deux placements publics par voie de prospectus, puisque l'entreprise est devenue inscrite à la Bourse de croissance de Toronto par l'entremise d'une prise de contrôle inversée il y a une vingtaine de mois.

Au cours des deux dernières années, Hydropothicaire a été en mesure de lever 100 millions par des placements privés et 300 millions par l'entremise de financements visés par un prospectus.

« Toutes les sommes d'argent qu'on a récoltées ont été vérifiées par la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario et l'Autorité des marchés financiers. On tenait à avoir une transparence totale. »

- Sébastien St-Louis

En l'espace de quelques mois, la valeur de l'action d'Hydropothicaire est passée de 60 ¢ à plus de 5 $ aujourd'hui. L'entreprise est valorisée à près de 1 milliard.

« On n'a aucune dette et on a présentement 260 millions dans notre compte en banque pour assurer notre développement. On est l'un des producteurs canadiens de cannabis les mieux capitalisés », se réjouit l'entrepreneur.

COMMERCIALISATION SANTÉ

L'entreprise de Gatineau compte aujourd'hui 150 employés ; 35 en culture, 40 en fabrication de produits avancés, 20 à l'administration et une cinquantaine dans le service à la clientèle, à la conformité et à la commercialisation.

Pour être en mesure de réaliser sa transition vers la production commerciale, l'entreprise embauchera 150 personnes additionnelles au cours de la prochaine année.

« On va embaucher en recherche et développement, en culture, en production, à la comptabilité, aux finances, à la conformité et en assurance qualité », prévoit Sébastien St-Louis.

Hydropothicaire espère commercialiser davantage de produits dérivés de cannabis plutôt que la simple fleur destinée à produire de la fumée à inhaler.

« On développe des produits avancés tels qu'un vaporisateur sublingual ou de la poudre de cannabis comestible. On ne veut pas pousser les gens à fumer, on veut poursuivre notre mandat santé en offrant des alternatives moins nocives pour les utilisateurs de cannabis. On va sortir prochainement une crème à base de cannabis », expose l'entrepreneur.

Si les succursales de la SQDC prévoient réaliser 70 % de leurs ventes en magasin et 30 % en ligne, Sébastien St-Louis est convaincu de son côté que 70 % des commandes se feront par le web et les services de livraison à domicile.

Le mouvement de consolidation qui a cours dans le secteur du cannabis n'inquiète pas le fondateur d'Hydropothicaire, qui compte bien lui-même réaliser un jour l'acquisition de concurrents ou bien même envisager d'accepter une offre comme celle qu'a faite hier la société Aurora Cannabis à MedReleaf Corp.

« Aurora a décidé de payer 3 milliards pour acquérir MedReleaf qui prévoit afficher les mêmes revenus de 100 millions l'an prochain que les nôtres. Si on nous propose de nous payer 30 fois nos revenus prévus de l'an prochain, je vais devoir penser à nos actionnaires », indique le PDG.

LE PARCOURS DE SÉBASTIEN ST-LOUIS

Originaire de la région de Gatineau, Sébastien St-Louis a étudié en finances à l'Université d'Ottawa avant d'obtenir un MBA à l'Université du Québec à Montréal. Il a été gérant régional chez EDC, où il a notamment ouvert tous les bureaux de l'organisme en Alberta, avant de se joindre à la BDC comme directeur principal de comptes. « C'est là que j'ai fait mon vrai MBA. J'ai épaulé plus de 300 entrepreneurs qui avaient des entreprises dont le chiffre d'affaires variait entre 5 et 100 millions. Ç'a été formateur », souligne-t-il. Il a été chef de la direction financière d'une entreprise manufacturière qui a été acquise avant de fonder Hydropothecary en août 2013.

Photo Simon Séguin-Bertrand, LeDroit

Pour être en mesure de réaliser sa transition vers la production commerciale, Hydropothecary embauchera 150 personnes additionnelles au cours de la prochaine année.