François Olivier a succédé à Rémi Marcoux comme PDG de TC Transcontinental, en 2008, en pleine crise. Il fallait restructurer, rationaliser et relancer. Ce qu'il a fait. On comprend mieux pourquoi il n'arrive plus à jouer qu'une dizaine de rondes de golf par année. Jean-Philippe Décarie l'a quand même rencontré sur les verts.

Il y a tout juste deux mois, TC Transcontinental finalisait l'acquisition des 74 hebdomadaires que son concurrent Sun Media dirigeait au Québec, mettant ainsi fin à une coûteuse guerre commerciale qui affaiblissait financièrement les deux groupes et qui semblait surtout sans issue. D'ici quelques jours, le groupe d'imprimerie et de médias pourra se départir d'une trentaine de titres d'hebdos qui cumulaient des millions de pertes, ce qui réjouit son président.

François Olivier ne cache pas que la transaction qu'il a amorcée avec l'ex-PDG de Québecor, Pierre Karl Péladeau - avant que celui-ci ne fasse le saut en politique - était non seulement nécessaire mais aussi indispensable.

«Québecor voulait donner du temps d'impression à son imprimerie de Mirabel et s'est lancée dans le marché des circulaires. Dans plusieurs régions, ça lui prenait un hebdo local pour bonifier le contenu de ses publisacs. Résultat, ils ont ouvert des journaux dans notre marché et on a répliqué en lançant des nouveaux hebdos dans le leur», rappelle le PDG de TC.

Les cinq dernières années ont été pénibles pour les deux groupes de presse, la guerre des hebdos et des publisacs a généré des saignées inutiles de liquidités. La trêve est survenue en décembre dernier lorsque Sun Media a convenu de vendre ses 74 journaux à TC.

«L'entente a été sanctionnée par le Bureau de la concurrence en mai à la condition que l'on vende 34 de nos 154 journaux. Un comité indépendant a été mis sur pied en juin pour trouver des acheteurs et il devrait nous rendre son rapport d'ici la mi-août», précise François Olivier.

TC devra se départir de 12 de ses propriétés alors que 22 titres ayant appartenu à Sun Media vont tenter de trouver preneur.

«Tous ces titres ont été lancés récemment et ils cumulaient des pertes de plusieurs millions. Je ne suis pas sûr qu'ils vont trouver des acheteurs mais on n'aura plus à les supporter», constate-t-il avec soulagement.

Un long recentrage

Depuis qu'il a pris les commandes de TC en février 2008, pour succéder au fondateur Rémi Marcoux, François Olivier a dû opérer un long recentrage des activités industrielles du groupe.

«On était en plein début de la crise. On voyait bien que ça allait brasser. J'ai tout de suite mis en vente nos activités de direct mail aux États-Unis. On était deux groupes qui réalisaient chacun 250 millions de revenus mais il n'y avait pas de place pour les deux», observe-t-il.

Parallèlement, TC doit rationaliser ses opérations d'imprimerie en délaissant les marchés américain et mexicain et en réoutillant ses centres d'opération les plus performants.

Le nombre d'usines a été réduit de 53 à 26 et TC est devenu l'acteur dominant au Canada lorsqu'il a fait l'acquisition de Quad Graphics, le reliquat de ce qui fut jadis Quebecor World.

«On est devenu le consolidateur du marché canadien. On a des revenus de 1,5 milliard et notre plus proche concurrent affiche des ventes de 150 millions», souligne le PDG.

Pour clore ce processus de recentrage, TC a mis fin à deux ententes commerciales d'envergure touchant l'impression de La Presse et des journaux du groupe Hearst aux États-Unis.

«La Presse ne voulait plus être liée à son contrat et l'a racheté pour 31 millions. Le quotidien a obtenu plus de flexibilité et est devenu un simple client.

«Même chose avec le groupe Hearst. On a construit une nouvelle usine de 225 millions à San Francisco pour imprimer notamment le San Francisco Chronicle qui tirait à 400 000 exemplaires.

«Lorsque l'usine a débuté ses opérations, en 2009, le tirage était tombé à 250 000 exemplaires. Il est aujourd'hui de 200 000 copies», expose François Olivier.

Hearst a convenu de payer 200 millions pour racheter son entente avec TC. Le groupe est aujourd'hui un simple client plutôt qu'un partenaire.

Ces ententes ont permis à TC de rembourser ses coûts d'immobilisation mais elles lui assurent aussi une plus grande flexibilité pour accueillir de nouveaux clients.

«On a signé avec Post Media les contrats d'impression du Calgary Herald, du Vancouver Sun et de la Gazette à Montréal. On est devenu la plateforme à faible coût au Canada», souligne le PDG.

La troisième patte

Après avoir réussi à générer des profits d'exploitation de 350 millions au cours de ses deux derniers exercices financiers, TC a décidé de mettre à profit sa longue expérience manufacturière en s'attaquant à un nouveau secteur d'activité, la production d'emballages flexibles.

«En réalisant notre planification stratégique, on s'est dit qu'il fallait valoriser notre expertise manufacturière. On a acquis aux États-Unis, en décembre dernier, la firme Capri Packaging qui appartenait au groupe Schreibe Foods.

«On produit dans deux usines au Missouri des emballages pour les producteurs de fromage. Agropur, qui vient d'acquérir le groupe américain Davisco Food International, est maintenant un de nos clients», relève-t-il.

Ce nouveau secteur d'activité est porteur de croissance, estime François Olivier. Il constituera dorénavant la troisième patte de l'entreprise, après l'imprimerie et les médias.

«Le secteur de l'impression va bien. On tire 700 millions du marché des circulaires, l'impression des magazines reste bonne puisque les tirages se maintiennent et on signe de nouvelles ententes dans le marché des journaux», précise François Olivier.

Le secteur Médias rapporte 700 millions à TC et la moitié provient des hebdos locaux où la durée de vie des éditions papier n'est pas menacée par le virage numérique.

L'édition de livres scolaires en français assure au groupe des revenus de 100 millions et ses magazines (Elle, Coup de pouce...) génèrent des ventes de 150 millions. Enfin, le secteur numérique compte pour 100 millions du chiffre d'affaires du secteur des médias.

«Le volet numérique doit croître, c'est notre plan de match», prévient le PDG de Transcontinental.

Un golfeur modéré

François Olivier a déjà beaucoup joué au golf, jusqu'à une quarantaine de rondes par été. Un luxe qu'il n'a toutefois plus le temps de se payer. François Olivier a déjà joué au hockey, à un haut calibre. Lorsqu'il jouait dans les rangs juniors, il a été recruté par le Canadien junior de Verdun.Cette année-là, il a contribué à la conquête de la Coupe Memorial et il a par la suite été repêché par les Bruins de Boston. Il n'a pas poursuivi plus loin sa carrière de hockeyeur, préférant terminer des études qui l'amèneront à compétitionner dans le monde des affaires. Son passé de joueur de hockey a laissé des traces dans son élan de départ mais n'a pas altéré pour autant sa précision. Le PDG de TC Transcontinental aimerait bien jouer davantage de rondes que la dizaine qu'il arrive à compléter chaque été mais il pratique aussi la course et joue au tennis. «On ne peut pas tout faire», résume-t-il, bien sagement.