À quelques semaines du dépôt de son troisième budget, le ministre des Finances Raymond Bachand reste convaincu que les cibles de réduction du déficit québécois seront atteintes malgré la dégradation du contexte économique. Et c'est notamment en raison des résultats surprenants que commence à produire la lutte à l'évasion fiscale que les objectifs du ministre se réaliseront.

Rencontré à son bureau de Montréal, Raymond Bachand était à compléter, hier, ses consultations pré-budgétaires alors qu'il devait rencontrer en après-midi les représentants de l'UPA.

«Le processus arrive à sa fin. On devrait avoir d'ici deux semaines le portrait général et être en mesure de déposer notre budget à la fin du mois de mars. Mais je dois dire que l'exercice de cette année a été le plus difficile que j'ai eu à réaliser jusqu'à maintenant», laisse tomber Raymond Bachand, entre deux statistiques économiques qu'il explique à l'aide de tableaux.

L'année 2011 a été effectivement une année économique atypique. Les prévisions de croissance conservatrices sur lesquelles le ministre des Finances avait construit son dernier budget laissaient présager une croissance modérée de 2,2%.

«La crise budgétaire européenne a eu une incidence plus grande que l'on pouvait imaginer. On a ramené à 1,6% le taux de croissance pour 2011, ce qui affecte nos scénarios de revenus. Mais on va respecter notre échéancier en vue du retour au déficit zéro en 2013-2014», insiste le ministre Bachand.

Mieux encore, le ministre ne prévoit pas utiliser la marge de manoeuvre de 400 millions qu'il avait budgétée pour respecter sa cible d'un déficit de 3,8 milliards en 2011-2012.

«Le déficit représentera 1% du PIB, l'an prochain ce sera 0,4% et 0% l'année suivante», observe-t-il.

Des centaines de millions

Mine de rien, les gains produits par la lutte à l'évasion fiscale viendront combler en bonne partie le manque à gagner qu'a généré la faible croissance économique de 2011.

«Le resserrement des contrôles fiscaux dans le secteur de la construction nous a permis de récupérer 300 millions. Même chose dans le secteur de la restauration où la mise en place d'un système unique de facturation va nous rapporter 300 millions de plus par année.

«Enfin, on est allé chercher 200 millions de plus avec nos taxes sur le tabac sans enregistrer une hausse du tabagisme. L'ajout d'enquêteurs fiscaux et de nouvelles escouades policières a freiné la contrebande», souligne Raymond Bachand.

La lutte à l'évasion fiscale devrait donc largement produire les trois milliards de revenus additionnels sur cinq ans que le ministre des Finances avait annoncé dans son dernier budget.

«On va poursuivre l'effort et embaucher 1000 enquêteurs additionnels à l'Agence du revenu au cours des prochaines années. Chaque dollar dépensé nous amène 10$ en revenus supplémentaires», évalue Raymond Bachand.

Cette offensive fiscale combinée à la réduction de l'augmentation des dépenses du gouvernement devraient permettre au ministre des Finances de remplir la promesse que le gouvernement allait assumer 62% de l'effort de réduction du déficit.

«Avant l'adoption du plan, nos dépenses avaient progressé en moyenne de 5,7% entre 2006 et 2010. De 2010 à 2014, la progression des dépenses a été ramenée à 3,2% et on va respecter ce taux de croissance», maintient-il.

Au chapitre des revenus additionnels qui permettront à Québec de revenir en mode excédentaire dès l'exercice 2013-2014, le ministre Bachand revient sur la bonification des redevances minières qui vont totaliser 1,7 milliard sur la période de quatre ans entre 2010 et 2014.

«C'est significatif comme contribution. Grâce à la hausse des droits miniers on a récolté 304 millions pour la seule année 2010, ce qui est plus que les 289 millions obtenus sur la période de 10 ans qui a précédé.

«Cette année, le taux de redevance passe de 12% à 16% et ce taux s'applique sur une base mine par mine. Une compagnie minière ne peut pas déduire les pertes d'une mine sur les profits d'une autre», insiste-t-il.

Dette et infrastructures

La dette brute du Québec s'élève aujourd'hui à 173 milliards et elle augmentera d'un autre 10 milliards cette année et de 8 milliards chaque année jusqu'en 2025 en raison de la poursuite des travaux de mise à jour des infrastructures publiques.

«Tant à Ottawa qu'à Québec, on a négligé nos infrastructures. Dans les années 60 et 70, elles représentaient 30% de la valeur de notre PIB. Ce taux est tombé à 15% et on doit le ramener progressivement aux alentours de 30% d'ici 2025.»

«En modernisant nos infrastructures, on valorise nos actifs ce qui réduit notre dette. Chaque année, on réduit aussi la dette en transférant dans le Fonds des générations nos redevances hydrauliques et à partir de 2018, le dégel du bloc patrimonial d'Hydro-Québec rapportera plus de 1,6 milliard par année», indique Raymond Bachand.

Ainsi, selon les projections à long terme des économistes du ministère des Finances, le ratio dette-PIB du Québec sera ramené de son taux actuel de 55,6% à 45% en 2026.

Bien que le ratio dette-PIB du Québec se compare avantageusement à celui de bien des pays européens et même des États-Unis (plus de 100%), Raymond Bachand le trouve beaucoup trop élevé à 55,6%.

«On a un cote excellente. On vient de réaliser un financement international de 500 millions à un taux de 3% mais on va être en meilleure position et beaucoup plus à l'aise à un taux de 45%», estime le ministre Bachand.