Tout en maintenant le cap sur ses mesures extensives de détente monétaire, la Réserve fédérale américaine (Fed) pose un diagnostic un peu moins sombre sur la santé de l'économie.

«La reprise économique est mieux ancrée (better footing) et les conditions générales du marché du travail semblent s'améliorer graduellement», affirme d'entrée jeu le communiqué de son Comité de politique monétaire.

Elle prend acte aussi que les dépenses des ménages et les investissements des entreprises continuent d'augmenter.

L'optimisme modéré affiché va jusqu'à la suppression dans le communiqué d'une phrase présente pendant plusieurs mois: il n'est plus fait mention que «les employeurs hésitent à embaucher».

Disparu aussi l'aveu voulant que les progrès de la reprise et de la lutte contre les risques de déflation étaient «d'une lenteur décevante», encore présent en janvier.

Tout n'est pas rose pour autant. «Le secteur de l'habitation continue d'être déprimé», lit-on encore une fois.

Comment pourrait-il en être autrement d'ailleurs quand, selon les propres données des autorités monétaires, la valeur du crédit à la consommation était en janvier encore inférieure de 6,6% à ce qu'elle était en juillet 2008 et que le prix des maisons a chuté encore de 13% depuis juin?

Sans surprise donc, la Fed reconduit la fourchette cible de 0,0% à 0,25% pour la négociation des Fed Funds, fourchette qu'elle entend toujours maintenir pour «une durée étendue».

À ceux qui voyaient dans l'amélioration de l'économie une raison pour mettre fin prématurément au programme de détente quantitative annoncée en novembre, la Fed sert une rebuffade sans appel. «Le Comité maintient sa politique de réinvestir le remboursement du principal de ses titres en portefeuille et entend acheter 600 milliards d'obligations du Trésor de moyenne et longue échéance d'ici la fin du deuxième trimestre», lit-on dans le communiqué. La phrase est un copié-collé de son communiqué du 26 janvier.

Au 9 mars, la Fed avait acheté quelque 304 milliards US d'obligations du Trésor. Le montant grimpe à 419 milliards US si on inclut les achats réalisés avec le remboursement du capital de titres de son portefeuille arrivés à échéance.

«La Fed devient de plus en plus à l'aise avec les perspectives économiques, observe Sal Guatieri, économiste principal chez BMO Marchés des capitaux. Elle ne prolongera sans doute pas son programme d'achat d'actifs au-delà de juin.»

Au chapitre de l'inflation, la Fed constate que l'envolée des prix de l'énergie et des biens de base crée certaines pressions sur les prix qu'elle qualifie de «transitoires». Quoi qu'il en soit, elle les scrutera de près. Entre-temps, elle persiste à juger faibles les tendances inflationnistes.

Bien que deux membres du Comité, Richard Fisher et Charles Plosser, aient exprimé dernièrement des réserves sur les bienfaits de la détente monétaire extraordinaire actuelle, la décision a été prise à l'unanimité pour la deuxième fois d'affilée.

«Au bout du compte, il n'y a pas de changement d'orientation, mais le léger optimisme vise peut-être à rapprocher les faucons et les colombes, résume Derek Holt, de chez Scotia Capitaux. Peut-être visait-on à éviter la dissension.»

À l'exception de la hausse des prix de l'énergie qui paraît attisée par l'embrasement du monde arabe, la Fed ne fait, selon son habitude, aucune allusion à la conjoncture internationale ni même à des chocs comme la triple catastrophe japonaise.

Cela fragilise l'optimisme naissant. «Il faudra sans doute quelques mois de création d'emplois de plus et un apaisement du contexte géopolitique pour que la Fed ose évoquer la nécessité d'une stratégie de sortie de la politique actuelle», estiment Stéfane Marion et Paul-André Pinsonnault, de la Banque Nationale.

Voilà pourquoi la fourchette de taux cible, fixée en décembre 2008, paraît installée à demeure encore plusieurs mois.

Ce n'est pas de sitôt que le marché du travail aura retrouvé un vrai dynamisme ou que l'inflation évoluera à un rythme non inquiétant. «Nous nous attendons à ce que le taux d'inflation reste sous la barre des 2% et le taux de chômage au-dessus de 8% pendant deux ans», note Alistair Bentley, économiste chez TD.

En janvier, le taux d'inflation de base (qui exclut aliments et énergie) était de 1,0%, tandis que le taux des demandeurs d'emploi de février s'élevait à 8,9%.