Les sociétés d'exploration minière, nombreuses à avoir un urgent besoin de financement, sont plus que jamais à un point critique. Celles du Québec doivent en plus composer avec une incertitude autre que financière: les droits d'exploration contestés sont une préoccupation pour plus de la moitié d'entre elles - deux fois plus qu'ailleurs au pays.

C'est ce qui ressort d'un rapport de la firme Grant Thornton, dont le lancement mondial est prévu lundi au congrès de l'Association des prospecteurs et entrepreneurs miniers du Canada, à Toronto.

Un sondage mené par la firme comptable auprès de 389 dirigeants de sociétés minières dans le monde montre que la moitié des sociétés d'exploration ont moins de 2 millions US dans leurs coffres. L'analyste indépendant John Kaiser a aussi noté récemment que le tiers des sociétés minières cotées à la Bourse de Toronto avaient un fonds de roulement de moins de 200 000$.

Environ le tiers des sociétés québécoises sondées affirment d'ailleurs avoir besoin de financement dans les trois prochains mois. Or, les investisseurs craignent le risque et le marché est à sec. Cette situation commence à se prolonger dramatiquement.

«C'est dans la nature même des sociétés d'exploration d'aller chercher du financement, explique en entrevue Anand Beejan, associé et leader de l'industrie minière chez Raymond Chabot Grant Thornton à Montréal. Généralement, ces financements leur permettent de poursuivre leurs activités pendant 9 mois, voire un an ou plus.»

Sauf que cela fait maintenant un an et demi que le financement est difficile, indique M. Beejan. «On est rendu au bout de la corde, il ne reste plus de temps.»

«Le prix actuel des actions ne reflète pas le fondamental, ce qui n'aide pas», précise M. Beejan.

Les sociétés d'exploration sont à un point critique. Leurs dirigeants se rendront dès dimanche au congrès torontois, le plus grand événement du genre sur la planète, avec l'espoir de pouvoir attirer chez elles le peu d'argent qui circule actuellement dans le secteur de l'exploration minière.

Incertitude au Québec

Les sociétés québécoises ont quant à elles un souci de plus que leurs homologues du reste du Canada. Sur les 82 sociétés québécoises sondées par Grant Thornton, plus de la moitié (56%) ont indiqué que la question des «droits d'exploration contestés et des incertitudes sur le statut des propriétés» était un enjeu modéré ou significatif pour elles (moderate or significant issue). C'est plus du double par rapport aux sociétés d'ailleurs au pays.

Selon Anand Beejan, cette différence s'explique entre autres par «toute cette discussion sur le projet de loi sur les mines».

Plus de trois ans après le dépôt de la première proposition, et deux projets de loi avortés plus tard, la réforme de la loi minière est toujours en suspens. Dans la dernière version, morte au feuilleton avant les élections, il était question de donner un pouvoir accru aux municipalités en matière d'activité minière. Certaines sociétés craignent que cela ne les empêche de développer leurs propriétés.

On attend la nouvelle mouture que le gouvernement Marois a promis de présenter au printemps. Le projet de protection de 50% du territoire nordique inquiète aussi certaines compagnies.

«Il y a une perception que la participation gouvernementale dans la réglementation a été plus accrue dans les derniers temps», résume M. Beejan.

L'accès au financement et l'augmentation de la réglementation et de l'implication gouvernementale sont les deux principales contraintes à la croissance identifiées par les sociétés, selon le sondage de Grant Thornton. Elles concernent respectivement 44 et 42% d'entre elles.

Le secteur minier en trois chiffres:

1/3: Proportion des sociétés minières québécoises qui ont besoin de financement dans les trois prochains mois.

2 millions: Somme maximum en dollars US qu'ont 53% des sociétés d'exploration dans leurs coffres.

44%: Proportion des dirigeants sondés par Grant Thornton qui soutiennent que l'accès au financement est une contrainte à leur croissance.