Chauffer les bâtiments industriels et commerciaux du Québec... au bon vieux bois. C'est le retour aux sources qu'a proposé une coalition, hier, affirmant que remplacer le mazout par des résidus forestiers comme source de chauffage permettrait d'économiser des millions, de créer des centaines d'emplois et de réduire les émissions de gaz à effet de serre.

L'idée lancée hier n'est pas de couper des arbres pour chauffer les bâtiments, mais d'utiliser les branches et copeaux de bois laissés derrière lors des coupes forestières pour alimenter des chaudières spécialement conçues les brûler.

Selon une étude réalisée par ÉcoRessources pour le compte de la Fédération québécoise des coopératives forestières, cette façon de faire permettrait d'économiser quelque part entre 45 et 467 millions de dollars par année selon le nombre de bâtiments institutionnels et commerciaux qui seraient convertis à la technologie.

«Ce qu'on montre, c'est qu'il y aurait clairement un gain pécuniaire à utiliser la biomasse pour chauffer par rapport aux sources de carburant utilisées actuellement», résume Dany Lemieux, l'un des auteurs de l'étude.

La Fédération québécoise des coopératives forestières prétend que cette solution serait aussi pratiquement carboneutre, puisque, s'ils ne sont pas brûlés, les résidus forestiers finissent par pourrir dans les forêts en émettant des gaz à effet de serre.

Selon les calculs d'ÉcoRessources, la solution permettrait d'empêcher l'équivalent d'entre 230 000 et 1,2 million de tonnes de CO2 par année dans l'atmosphère.

Si cette solution est un jour adoptée, les résidus forestiers seraient acheminés aux bâtiments sous forme de copeaux de bois. Dans les cas où ils devraient être transportés sur de plus grandes distances, on les compresserait d'abord en granules, une opération qui réduit toutefois les gains écologiques et économiques.

Dans tous les cas, l'étude propose d'utiliser la biomasse à proximité de l'endroit où elle est produite pour maximiser les gains. ÉcoRessources exclut aussi Montréal de son analyse parce qu'elle voit mal des camions chargés de copeaux de bois venir encombrer les voies d'accès à la métropole.

L'autre problème est l'émanation de particules qui résulte de la combustion du bois.

«Il y a déjà un problème de pollution atmosphérique à Montréal, et même si les fournaises de nouvelles générations sont beaucoup plus efficaces, on ne voulait pas en rajouter. Il y a un débat là-dessus qui n'est pas réglé à Montréal», a dit Jocelyn Lessard, directeur général de la Fédération québécoise des coopératives forestières.

Le chauffage à la biomasse est répandu en Europe, notamment en Autriche et dans les pays scandinaves. Au Québec, les sociétés forestières l'utilisent aussi pour chauffer leurs propres installations.

ÉcoRessources estime que son utilisation au Québec permettrait de créer des centaines d'emplois en régions.

Des investissements importants

Chauffer les bâtiments institutionnels et commerciaux aux résidus de bois demanderait cependant de changer les chaudières qu'ils abritent.

«Les prix des immobilisations et de l'entretien des équipements à la biomasse sont plus élevés que pour les formes d'énergie traditionnelles, admet Dany Lemieux, d'Écoressources. C'est sûr qu'il faut mettre tout ça dans la balance.»

Le gouvernement québécois offre déjà une aide financière à ceux qui souhaitent troquer le mazout contre des sources d'énergie moins polluantes. Les intervenants ont dit souhaiter que de tels programmes soient poursuivis et bonifiés pour faciliter l'adoption du chauffage à la biomasse.

Les ingénieurs québécois se disent aussi en faveur de l'idée.

«Une véritable industrie du génie bioénergétique pourrait naître si le gouvernement du Québec l'aide à prendre son envol», a dit Étienne Couture, président du Réseau des ingénieurs du Québec.

C'est en remplaçant le mazout, le carburant fossile le plus polluant, que les gains environnementaux de la biomasse seraient les plus importants. L'étude dévoilée hier se penche sur plusieurs scénarios de pénétration de la technologie, ce qui explique le large spectre des prévisions de gains monétaires et environnementaux.

Dans l'un des scénarios, la biomasse remplacerait non seulement le mazout, mais aussi le propane et l'électricité pour chauffer tous les bâtiments commerciaux et institutionnels jugés «intéressants» hors de l'île de Montréal. Selon les calculs d'ÉcoRessources, ce scénario permettrait aux propriétaires de bâtiments d'économiser plus de 1 milliard de dollars en frais de chauffage d'ici 2025.