Souvent annoncée, encore attendue, la fin du pétrole pourrait ne jamais arriver. C'est ce que soutient une étude publiée hier par l'Institut économique de Montréal.

Son auteur, Étienne Bernier, explique qu'entre les géologues qui prévoient la fin prochaine des ressources pétrolières et les économistes qui pensent au contraire qu'on ne manquera pas de pétrole, ce sont ces derniers qui ont raison.

«Les gens vont se détourner du pétrole avant qu'il n'y en ait plus», a-t-il prédit lors d'un entretien avec La Presse Affaires.

Étienne Bernier n'est ni géologue ni économiste, mais ingénieur doctorant à l'École polytechnique de Montréal. Il estime que le débat sur la fin du pétrole vient d'un problème de définition. Le pétrole d'aujourd'hui provient de plus en plus des sables bitumineux, ce qui fait dire aux pessimistes que l'ère du pétrole facile est derrière nous.

«Le pétrole des frontières épuisées peut paraître facile aujourd'hui, mais n'était pas facile à l'époque», rappelle-t-il.

De même, le pétrole synthétique peut paraître difficile et coûteux à produire aujourd'hui, mais ce ne sera probablement plus le cas dans quelques années. Après les sables bitumineux, viendront d'autres types de pétrole synthétiques comme le CTL (coal-to-liquid) et GTS (gas-to-liquid).

«On pourra produire autant de pétrole synthétique qu'on en voudra, à condition de faire les investissements requis», affirme Étienne Bernier.

Le coût élevé de remplacement d'un type de pétrole par un autre fera grimper les prix, ce qui enclenchera le processus d'adaptation des consommateurs. La spéculation, que plusieurs voudraient interdire ou limiter, joue un rôle crucial dans ce processus d'adaptation, estime Étienne Bernier. Grâce à la spéculation, explique-t-il, «le prix peut s'ajuster longtemps d'avance, ce qui encourage l'utilisation efficace et le recyclage de la ressource.Il est inutile de déployer des efforts pour persuader les gens de changer de comportement, puisque le simple bon sens les incitera à s'ajuster intelligemment».

La hausse des prix qui annonce la rareté d'une source d'énergie dirige aussi l'investissement dans d'autres formes d'énergie. Étienne Bernier pense que c'est ce qui va se produire avec le pétrole. «On va passer à autre chose avant d'en manquer», dit-il.

Le transfert pourrait se produire rapidement, illustre-t-il, si la mise au point d'une batterie révolutionnaire donne un avantage marqué aux voitures électriques.

L'été dernier, le prix du pétrole a atteint un sommet à 150$US le baril, alors qu'hier, il ne valait plus que 68,05$US sur le marché de New York. Le sommet de l'été dernier n'annonçait pas la fin prochaine des ressources pétrolières. Le prix actuel ne reflète pas non plus une offre infinie de pétrole. Il faut regarder ça à plus long terme, explique Étienne Bernier.

«Entre 1986 et 2003, le prix du pétrole a été très bas et il avait du rattrapage à faire», précise-t-il.

Maintenant que les prix sont retombés, plusieurs spécialistes craignent le report des projets d'exploration et une offre insuffisante lorsque l'économie mondiale sortira de la récession.

Ce genre de déséquilibre pourrait arriver, selon Étienne Bernier, mais ce serait temporaire et ce serait un problème d'investissement insuffisant et non de ressources insuffisantes.

Même avec un prix du pétrole très bas, les investisseurs qui croient que le prix va augmenter continuent d'investir, selon lui. «C'est aux investisseurs de voir assez clair et s'ils ont raison, le marché va les récompenser».