Alors qu'environ 15% de la population active en France est atteinte de maladies chroniques, du cancer au diabète en passant par l'hépatite et les problèmes de santé mentale, un grand projet-pilote national a été mis en place pour favoriser le maintien en emploi de ces gens.

Une entreprise du secteur agroalimentaire de 700 employés en France trouvait qu'elle devait trop souvent licencier des gens parce qu'ils devenaient inaptes au travail. Pour améliorer sa rétention de main-d'oeuvre, l'entreprise a fait appel aux services gratuits de l'Association régionale pour l'amélioration des conditions de travail (ARACT) en Aquitaine, une région du sud-ouest de la France.

«Le tiers des personnes absentes de leur travail pour maladie ne le sont pas parce qu'elles sont malades, mais parce que leur travail ne permet pas leur traitement», affirme Dominique Baradat, ergonome et chargée de mission à l'ARACT Aquitaine, qui a donné une conférence en juin à Québec à l'occasion du Congrès international 2014 en orientation et développement de carrière.

Avec sa collègue Elise Fosset, psychologue du travail à l'ARACT Aquitaine, Dominique Baradat a formé un comité de pilotage multidisciplinaire dans cette entreprise agroalimentaire. Première étape: analyser le processus de transmission de l'information concernant les restrictions médicales des employés. Résultat? Les informations transmises par les médecins à la direction des ressources humaines se rendaient rarement au superviseur concerné sur le plancher.

«Dans un tel cas, le salarié exécute la plupart du temps les tâches demandées par son superviseur même si elles ne respectent pas les restrictions, par peur de perdre son emploi», constate l'ergonome.

«De plus, si la direction de l'entreprise ne prend pas en charge le maintien en emploi des gens atteints de maladies chroniques, les actions sur le terrain dépendent du bon vouloir des superviseurs», ajoute Elise Fosset.

L'ARACT Aquitaine, gagnante du prix européen d'excellence pour le travail et les outils créés pour le maintien en emploi des gens atteints de maladies chroniques, formalise ensuite le processus de diffusion de l'information dans l'entreprise et le fait connaître de tous pour qu'il soit utilisé et respecté.

Une organisation plus souple

L'ARACT Aquitaine évite le plus possible de traiter différemment les travailleurs malades et leur donner ce qui pourrait être perçu comme des privilèges. L'objectif est plutôt de donner de la flexibilité dans les conditions de travail de tous.

«Il n'y a pas un travailleur type: les individus ont une variabilité, explique Mme Baradat. Par exemple, tous seront gagnants si on forme le chef d'équipe pour qu'il remplace sur la chaîne de production quiconque a besoin d'aller aux toilettes pendant son quart de travail.»

La mise en place de ce type de mesures collectives peut faire une grande différence pour les employés atteints d'une maladie chronique.

«Lorsqu'on est dans des approches individualisées, voire secrètes, plusieurs employés s'arrangent seuls, en changeant par exemple leur horaire de prise de médicament pour continuer à travailler, explique Mme Baradat. À un certain moment, ça ne fonctionne plus.»

La situation au Québec

Au Québec, on est davantage dans l'approche individuelle que collective. Les employeurs ont l'obligation d'accommoder leurs employés jusqu'à ce que cela devienne une contrainte excessive.

Pour de l'accompagnement, les employeurs de gens atteints de maladies chroniques peuvent faire appel au service-conseil en matière d'accommodement raisonnable de la Commission des droits de la personne.

Ils peuvent aussi s'adresser au Comité d'adaptation de la main-d'oeuvre (CAMO) pour personnes handicapées.

«Nous les aiderons dans leur démarche même si leurs employés ne sont pas des personnes handicapées selon la définition stricte», affirme Carole Foisy, chef d'équipe et conseillère au CAMO pour personnes handicapées.

L'organisme offre également à son réseau d'entreprises, en septembre, une formation sur les accommodements médicaux donnée par la Table sur l'emploi et les incapacités épisodiques.

Des chercheurs se penchent aussi sur le défi du maintien en emploi des gens atteints de maladies chroniques.

Par exemple, à Saguenay, Cynthia Gagnon, professeure à l'École de réadaptation de l'Université de Sherbrooke et directrice du Groupe de recherche interdisciplinaire sur les maladies neuromusculaires, entreprend une étude sur l'ataxie de Charlevoix-Saguenay.

«Le grand défi est la progression de la maladie, qui varie d'une personne à une autre, et l'adaptation des milieux de travail pour permettre un maintien en emploi plus long», dit-elle.