L'adaptation aux changements dus aux fusions et acquisitions peut causer un stress important chez les salariés.

En 2011, le Canada a réalisé 3173 fusions et acquisitions pour une valeur de 189 milliards, selon un rapport de PricewaterhouseCoopers. Il s'agit d'un record absolu de volume annuel de transactions canadiennes conclues.

Notamment en temps de crise, les fusions et acquisitions sont un moyen qui vise à perpétuer les activités d'une entreprise et, surtout, de générer des profits. Qu'en est-il du facteur humain?

Contrat psychologique

Suivant les bouleversements organisationnels, l'état psychologique de l'employé en sera indéniablement transformé.

«Avec qui vais-je travailler? Vais-je rester au même endroit? La mission de l'entreprise va-t-elle changer? Mes rôles et responsabilités vont-ils être différents? Voilà autant de craintes susceptibles de provoquer stress et anxiété chez l'employé s'il reste dans le flou», estime Nathalie Lemieux, spécialiste en gestion du changement et conseil en management, professeure au département d'organisation et ressources humaines, ESG UQAM.

Avant toute fusion entre deux entreprises, croit-elle, il vaudrait mieux s'interroger quant à la compatibilité des cultures organisationnelles.

Jean-Philippe Doucet, programmeur analyste, a été un des premiers employés de Newtrade Technologies. En 2002, Expedia en est devenu propriétaire.

«Nous avons été les premiers à réaliser un programme novateur de connectivité dans le secteur du tourisme. Nous avons consacré beaucoup d'énergie et d'heures de travail à ce projet», se rappelle Jean-Philippe, fier de cette réalisation qui a assuré le succès de la PME.

Sitôt l'entreprise achetée par Expedia, le climat de travail s'est assombri. Certains employés mal à l'aise qui étaient bénéficiaires d'options ont récupéré leur pécule et quitté l'entreprise.

«Leurs méthodes de gestion étaient bien différentes de ce qu'on avait connu. J'ai tenté d'en parler à mes supérieurs immédiats, mais on m'a répondu simplement que c'était comme ça désormais, qu'il fallait arrêter de vivre dans le passé», témoigne-t-il.

Même s'il a su s'adapter, Jean-Philippe déplore surtout le manque d'écoute des gestionnaires, de soutien et de considération pour les employés en place.

Communication

«Dans les articles à ce sujet, la communication, formelle ou informelle, est en effet le premier aspect problématique, dit Nathalie Lemieux. Les gestionnaires doivent être à l'écoute et se rendre compte que les employés vivent un malaise», observe-t-elle.

Réaliser un sondage auprès des salariés après la fusion est un exemple de moyen qui permet aux gestionnaires de connaître leurs préoccupations et d'obtenir leurs impressions.

«Les ressources humaines doivent faire des efforts de diagnostic et trouver des pistes d'intervention. Il faut aussi que les gestionnaires aient le temps de rencontrer les employés, qu'ils soient trois fois plus présents qu'à l'habitude», suggère-t-elle.

Olivier Bruel, directeur artistique, a été embauché chez Cognicase à l'automne 1999, deux ans après son entrée en Bourse. Olivier avait pour mandat de contribuer à la création d'un département web. Cognicase s'est alors lancée dans une série d'acquisitions.

«Il s'agissait d'acheter de petites entreprises de web pour intégrer leur expertise tout en éliminant la concurrence. Je me suis donc retrouvé au sein de trois équipes successives. Les gens démissionnaient massivement dès les premières semaines. L'investissement se transformait rapidement en perte, exactement comme si on achetait des tomates et qu'on les transportait dans un sac percé», observe Olivier.

Selon la perception d'Olivier, l'absence de médiateurs capables d'amortir les différences de visions, les prises de décisions orientées vers la rentabilité à court terme sans égard aux différences culturelles des entreprises fusionnées auraient contribué à l'échec du processus d'intégration.

Vers la maturité

«Très peu de recherches démontrent un lien direct entre les pratiques de gestion du changement et le retour sur investissement, à savoir quel est l'impact direct sur la performance des employés, admet Nathalie Lemieux. N'empêche, certains indicateurs sont présents, comme le nombre de départs», dit-elle.

Quelques entreprises, comptant une vingtaine d'années d'expérience en fusions et acquisitions, affirment avoir déjà pratiqué la gestion du changement sans toutefois, pour la plupart, l'avoir institutionnalisée.

«On parle de plus en plus de modèles de maturité des entreprises en gestion du changement. Il y a une amélioration, la situation est meilleure qu'elle l'était, mais il y a encore beaucoup de travail à faire», conclut Nathalie Lemieux.