Si on pouvait comparer les marchés du travail à des coureurs de marathon, on dirait que celui du Canada est à bout de souffle, tandis que celui des États-Unis a enfin retrouvé le sien. Quant à celui du Québec, il a un point au ventre.

L'ajout de 25 900 emplois d'un océan à l'autre en mai ne doit pas faire illusion. Les détails de l'Enquête sur la population active (EPA) de Statistique Canada ont de quoi déprimer: ils sont le solde de la suppression de 25 900 postes à temps plein et de l'addition de 54 900 à temps partiel. En deux mois, l'économie canadienne a perdu 60 000 emplois à temps plein. Depuis un an, les 85 500 emplois de plus sont tous à temps partiel. On compte même 26 700 postes à temps plein en moins.

Le taux de chômage a grimpé d'un cran à 7% à cause de l'entrée de plus de 40 000 personnes dans les rangs de la population active. Autre signe de la stagnation du marché du travail, le taux de chômage oscille entre 6,9% et 7,2% depuis un an et demi.

Ce n'est pas tout: depuis douze mois, la quasi-totalité des nouveaux emplois est concentrée en Alberta et en Ontario. À elle seule la province des scheiks aux yeux bleus héberge 83% des nouveaux emplois alors que sa population active représente seulement 12,5% de l'effectif canadien.

Six provinces sur dix comptaient moins d'emplois en mai qu'en début d'année, dont le Québec qui se distingue avec la disparition de 30 500 postes cette année.

En mai, sa situation s'est encore détériorée. Si la disparition de 800 emplois (sur un total de 4,015 millions) n'est pas significative selon les normes de qualité de l'EPA, celle de 26 700 postes à temps plein illustre bien que la Belle Province ne parvient plus à donner de l'ouvrage à ceux qui désirent entrer sur le marché du travail. Depuis un an, elle compte 46 300 emplois à temps plein de moins. On ne s'étonnera donc pas que 12 100 personnes aient déserté les rangs de la population active, même si la population de 15 ans et plus a augmenté de 50 900 personnes.

Le taux d'emploi, qui correspond à la proportion de la population de 15 ans et plus qui détient un emploi, a encore reculé d'un dixième, à 59,6%, soit à son taux le plus faible depuis février 2012. Le taux de chômage a quant à lui grimpé de quatre dixièmes à 8 %.

Au Canada, y compris au Québec, la cohorte des 15-24 ans a fait main basse sur la quasi-totalité des embauches au détriment de ses aînés des deux sexes. L'arrivée des étudiants sur le marché du travail correspond à l'augmentation des emplois dans l'agriculture, la restauration, le commerce et l'enseignement, les trois premiers segments offrant surtout des postes mal payés.

Cela a compensé les pertes d'emplois mieux rémunérés dans la fabrication, l'exploitation minière et pétrolière de même que dans les services financiers.

La léthargie canadienne contraste avec le nouveau tonus de nos grands voisins. Aux États-Unis, le nombre de salariés non agricoles a augmenté de 217 000, dépassant la barre des 200 000 un quatrième mois d'affilée, une première en 14 ans.

Le taux de chômage est resté stable à 6,3%, bien qu'il ait reculé de 1,2 point en 12 mois, a précisé le Bureau of Labour Statistics.

Les États-Unis ont finalement récupéré tous les emplois détruits par la récession qui a sévi chez eux de décembre 2007 à juin 2009. Le nombre de postes à temps plein accuse cependant toujours un retard de quelque 3 millions, mais on observe depuis quelques mois la transformation de postes à temps partiel en temps plein. Le nombre d'heures travaillées augmente alors qu'il stagne au Canada.

Cela dit, le marché du travail américain a encore des plaies à panser. Le taux d'emploi plafonne depuis un an à 58,9%, soit presque un point de moins que celui du Québec, et bien loin encore des 61,5% du Canada dont le seuil d'entrée dans la population active est de 15 ans plutôt que 16. Si on le grimpe d'un an comme aux États-Unis, il passe même à 62,1%.