Les gouvernements doivent protéger les fonds de retraite des entreprises menacées par la crise économique, a soutenu hier le président des Travailleurs canadiens de l'automobile (TCA), Ken Lewenza, qui a cité des exemples où des pays interviennent pour protéger les retraites des travailleurs.

«Dans le dossier de Nortel, nous avons appris qu'en France et aux États-Unis, les gouvernements se positionnent comme créanciers pour protéger les pensions des employés et assurer qu'ils obtiennent ce qui leur est dû», a-t-il déclaré pendant un discours-fleuve qui a duré plus de deux heures, à la première journée du congrès statutaire des TCA, au Centre des congrès de Québec.

Le président national des TCÀ a rappelé que 15 000 syndiqués avaient manifesté en Ontario au printemps après que le premier ministre Dalton McGuinty a laissé entendre que la province ne pouvait pas garantir les fonds de pension de GM et de Nortel. «Nous avons réuni 15 000 personnes à Queens Park pour faire entendre raison au gouvernement, mais notre travail est loin d'être terminé. À travers le pays, des centaines d'employeurs disent à leurs travailleurs qu'il n'est plus possible d'assurer une pension ici au Canada, que ce n'est plus à notre avantage.» Seulement 40 % des Canadiens bénéficient d'un fonds de retraite privé, affirme le président. «Si on ne fait rien, ça va descendre à 20 %. Il faut protéger le droit des aînés à jouir d'une sécurité une fois qu'ils auront terminé leur carrière.»

Tour d'horizon

Ken Lewenza a brossé un large tableau des dossiers sociaux et politiques où intervient le syndicat canadien. À propos de la mission canadienne en Afghanistan, après 130 morts et des centaines de blessés, les TCÀ appuient toujours nos troupes, dit-il, «mais il est temps de les ramener au pays et de refaire l'image du Canada en nous engageant dans le maintien de la paix et les missions humanitaires. C'est notre rôle historique et nous entendons maintenir notre pression sur le gouvernement à ce sujet».

Il a aussi soulevé le cas de l'opposante birmane Aung San Suu Kyi, qui vient d'être assignée à résidence pour 18 mois. En 2001, les TCÀ lui avaient décerné le prix Nelson-Mandela pour les droits humains. «On l'empêche encore une fois de participer aux élections dans son propre pays et nous devons continuer d'appuyer tous ceux et celles qui défendent les droits démocratiques à travers le monde, en Birmanie, en Iran ou au Honduras.»

En Corée du Sud, des travailleurs du fabricant automobile SsangYong ont occupé leur usine pendant 77 jours, cite-t-il également. Ils ont forcé l'entreprise à garder 50% de son personnel, alors qu'elle voulait au départ licencier tous ses employés dans le contexte d'un plan de restructuration. «Ces luttes font penser à un climat de guerre où il faut se battre pour défendre ses droits et son emploi. Nous allons demander, avec le Congrès du travail du Canada et le Fonds monétaire international, la libération des leaders syndicaux coréens emprisonnés.»

Harper critiqué

Il a réservé ses critiques les plus acerbes au premier ministre Stephen Harper. Lors de la rencontre avec le président Barack Obama, M. Harper avait rappelé que le Canada s'opposait à ce que le gouvernement américain privilégie ses entreprises dans le cadre des programmes de stimulation de l'économie. «Ça n'a rien à voir avec le libre-échange, insiste le syndicaliste, il nous faut convaincre le gouvernement Harper d'utiliser l'argent des programmes canadiens pour les travailleurs canadiens et nous n'avons pas besoin de nous mettre à genoux devant les Américains pour ça.»

Le président des TCÀ évoque par ailleurs l'appui du président Obama à l'Employee Free Choice Act (EFCA), un projet de loi qui permettrait la création d'un syndicat dès qu'une majorité d'employés ont signé leurs cartes. «Ça fait 25 ans qu'on se bat pour la même chose ici, en Ontario et à travers le pays. Si ça passe aux États-Unis, cela va nous aider au Canada.»

Les rangs syndicaux affectés

La crise économique se répercute dans les rangs syndicaux. En un an, les Travailleurs canadiens de l'automobile ont perdu pas moins de 25 000 de leurs membres.

En 2008, l'organisation comptait 250 000 membres, et leur nombre est maintenant de 225 000. Ken Lewensa, qui a succédé l'an dernier à Buzz Hargrove à la tête de l'organisation, déclarait hier que les TCÀ devaient continuer de défendre ceux qui ont perdu leur emploi pour protéger leurs droits et leur donner accès à de la formation.

Depuis hier, 1000 délégués des TCÀ sont réunis à Québec pour leur congrès statutaire, qui a lieu tous les trois ans. C'est l'occasion, pour la plus grande organisation syndicale canadienne dans le secteur privé, de revoir ses orientations et d'élire ses principaux dirigeants, explique la porte-parole Shannon Devine.

M. Lewenza n'est en poste que depuis un an et vise une réélection pour un nouveau mandat.

Inclure les jeunes

La crise économique va évidemment retenir l'attention, mais les TCÀ veulent aussi étudier de nouveaux modes d'organisation et plus particulièrement trouver des façons d'inclure les jeunes dans l'organisation.

«Nous voulons créer des comités au niveau local dans nos syndicats, mais ça devient difficile par­ce que plusieurs syndicats perdent leurs plus jeunes membres lorsqu'il y a des mises à pied et dans certains cas c'est impossible parce qu'il n'y a pas assez de jeunes pour former ces comités», déplore Mme Devine.