À coup sûr, on prêtera la plus grande attention aujourd'hui aux commentaires de la présidente de la Réserve fédérale (Fed) durant la conférence de presse qui suivra cet après-midi l'annonce de la politique monétaire américaine et la publication du nouveau scénario en matière de croissance, de chômage et d'inflation.

Pour son baptême du feu en mars, Janet Yellen avait créé une certaine confusion en voulant minimiser l'importance de la prévision individuelle des membres du comité de politique monétaire sur l'évolution du taux directeur.

Depuis décembre 2008, ce taux évolue dans une fourchette de 0 à 0,25%, mais la majorité des 17 membres s'attend à ce qu'il commence à grimper l'an prochain. Au printemps, à l'été ou à l'automne, là se trouve toute la question et... la spéculation.

Il y a d'autres zones d'ombre dans la conduite de la politique monétaire, même s'il ne subsiste guère de doute quant à la conclusion de la présente ronde de détente quantitative (DQ).

Mise en place à l'automne 2012 par le prédécesseur de Mme Yellen. Ben S. Bernanke, cette troisième DQ prévoyait à l'origine l'achat mensuel de 45 milliards US d'obligations à long terme du Trésor et de 40 milliards US de créances adossées à des actifs hypothécaires.

En décembre, la Fed a commencé à réduire sa DQ mensuelle au rythme de 10 milliards à chaque annonce. Selon toute vraisemblance, elle annoncera aujourd'hui que ses achats passeront de 45 à 35 milliards à partir de juillet.

À ce rythme, la DQ sera terminée en octobre ou en décembre, au plus tard.

Le resserrement monétaire pourrait dès lors commencer si la Fed annonçait du même souffle qu'elle ne réinvestit plus le produit et le principal des titres qu'elle détient et qui arrivent à terme. Au début de la troisième DQ, elle en avait pour 2800 milliards, montant qui a ballonné désormais à quelque 4300 milliards.

Selon le scénario où elle ne réinvestirait plus, elle détiendrait encore 2000 milliards de titres au tournant de la décennie.

Certains membres du Comité de politique monétaire sont partisans du maintien des réinvestissements même après que la Fed aura commencé à normaliser son taux directeur. Cet exercice mettra du temps, si les membres jugent encore qu'un taux directeur normal évoluerait dans une fourchette de 3,50 à 4,25%.

L'ensemble de ces réflexions et bien d'autres se feront à la lumière d'indicateurs qui forceront la Fed à revoir son scénario économique.

La décroissance annualisée de 1% du produit intérieur brut réel enregistrée au premier trimestre rend caduque la projection d'expansion de 2,8 à 3,0% pour 2014. Lundi, le Fonds monétaire international a d'ailleurs ramené la sienne de 2,8 à 2,0%.

Cela signifie que les capacités de production inutilisées restent élevées, bien que la production industrielle soit en expansion.

Néanmoins, le taux d'inflation paraît donner un signal discordant. Il s'élevait à 2,1% le mois dernier, soit au-dessus de la cible de la Fed. La poussée ne se limite pas aux prix des aliments et de l'énergie: les services coûtent plus cher aussi aux consommateurs.

Une phrase présente dans les communiqués depuis belle lurette devra être refondue. La Fed ne peut plus affirmer que «la persistance de l'inflation sous son objectif de 2% pose des risques à la performance économique».

La Fed peut difficilement affirmer aussi que le «taux de chômage demeure élevé» puisque, à 6,3% en mai, il était en plein sur sa cible.

En revanche, Mme Yellen pourra insister sur le fait que le taux d'activité (la proportion des 16 ans et plus qui détient ou recherche un emploi) reste très faible à 62,8%. En 2007, avant la récession, le taux était de 66,1%.

Cela est appuyé par une autre donnée inquiétante. Plus du tiers des chômeurs sont sans emploi depuis au moins 26 semaines.

Bref, si la cible d'inflation est atteinte tout comme celle du chômage, l'économie américaine n'a pas retrouvé sa robustesse d'avant la récession.

Encore beaucoup de boulot pour la Fed, donc. Reste à savoir comment elle s'y prendra pour l'abattre sans courroucer ni effrayer les marchés financiers, qui ont trop goûté à son dopage prolongé.