L'automne dernier, on aurait pu croire que l'économie du Québec était entrée dans un état de gel permanent alors que celle du reste du Canada donnait des indices réconfortants de réchauffement.

À contre-courant de notre hiver polaire, la production québécoise a montré un signe de dégel que confirment beaucoup d'indicateurs économiques.

Le plus rassurant, c'est sans doute le rebond de 0,4% du produit intérieur brut réel, en janvier, selon les calculs de l'Institut de la statistique du Québec (ISQ). Certes, il n'est pas aussi spectaculaire que celui de l'ensemble canadien (0,5%), mais il est plus que bienvenu, après deux mois de repli d'affilée, contre un seul, en décembre, pour le Canada.

La sortie de l'état de dormance est avant tout attribuable au sursaut de l'activité manufacturière dont la poussée de 3,3% était la plus forte en près de 15 ans. Cela dit, la production en usines est encore loin de son sommet du cycle précédent observé au début de 2007.

Sans cette poussée, toutefois, la production québécoise aurait stagné en janvier, les gains observés dans la production minière et agricole étant annulés par les replis de la production électrique et la construction, en ce qui concerne le secteur des biens.

L'ISQ attribue le recul surprenant de la production d'énergie à la baisse de la demande étrangère. Il faudra voir si la chose s'est répétée en février et mars, marqués par de grands froids chez nous et chez nos voisins (le fameux vortex polaire, selon le calque fautif de l'américain).

Du côté des services, la progression du commerce de gros ou des services financiers a été neutralisée par les replis des ventes des détaillants et des activités de transport et d'entreposage.

L'avancée du secteur manufacturier était généralisée: 18 segments sur 19 ont progressé, l'exception étant celle de la production de minerais non métalliques (pierre, sable, graphite, etc.).

La croissance des exportations de biens tout comme les gains importants des ventes des détaillants et des grossistes observés en février laissent croire que la production en usines n'aura pas surtout servi à gonfler les stocks.

En revanche, les replis répétés de l'industrie de la construction (cinq en six mois) deviennent inquiétants, surtout pour les fabricants de matériaux destinés au bâtiment qui exportent peu ou point.

La croissance en janvier ne doit pas faire oublier que l'économie du Québec reste anémique. En un an, sa progression a été contenue à 1,3% seulement, ce qui reste bien insuffisant pour relancer l'emploi et redresser les finances publiques de manière par trop douloureuse, sinon brutale.

La formation du gouvernement de Philippe Couillard, annoncée hier, marque la fin de la longue parenthèse sans timonier pour piloter le Québec qu'auront été la campagne électorale et les semaines de quasi-campagne qui l'ont précédée.

Pour que le dégel économique de l'hiver se poursuive, le gouvernement devra impérativement donner un coup de barre afin de contenir la dérive des finances publiques. Le retour d'une certaine inflation gonflera quelque peu les rentrées fiscales, mais il faudra faire davantage.

Les nouveaux ministres Martin Coiteux (au Conseil du trésor) et Carlos Leitao (aux Finances) n'auront guère le temps de savourer leur nomination.

Ce qu'ils en pensent

«Le rebond du PIB réel en janvier permet de faire oublier la fin d'année décevante qui a caractérisé 2013. La variation mensuelle de 0,4% est suffisante pour assurer que le premier trimestre sera sous le signe de la croissance.»

- Hélène Bégin, Desjardins, Études économiques

«Déjà, après un mois, le PIB réel croît à un rythme annualisé de 1,1% au premier trimestre par rapport au quatrième, ce qui est satisfaisant au vu des replis constatés en novembre et décembre derniers.»

- Marc Pinsonneault, Banque Nationale, marchés financiers