Prendre le virage numérique. Ne plus se fier sur les vedettes de la télé comme gage de succès d'un film, ni favoriser «les mêmes gens chaque année». Mettre davantage l'accent sur les scénarios.

La nouvelle présidente de la Société de développement des entreprises culturelles (SODEC), Monique Simard, entend «se battre contre le statu quo» et doubler au passage les parts de marché du cinéma québécois de 5,6% à 11% du box-office. Entrevue avec l'une des femmes les plus influentes du milieu culturel québécois.

Q: Quels sont vos principaux objectifs comme présidente de la SODEC?

R: Je vais me battre contre le statu quo, contre le maintien des systèmes qui ne fonctionnent plus et qui ne profitent qu'à deux ou trois personnes. Toutes les disciplines de création sont confrontées aux défis du numérique, et il n'y a pas grand-chose qui a été fait de ce côté-là. Ce serait la catastrophe si le Québec ratait le virage numérique. Le jeu vidéo est aussi considéré comme une forme d'art, et j'aimerais que la SODEC soit responsable [de ses programmes d'aide].

Q: Le cinéma québécois est-il en crise?

R: La crise est mondiale, elle est liée au numérique et au fait que les gens ont accès à la maison à un grand écran télé avec une programmation cinéma de qualité. Il se fait d'excellents films au Québec. Ce n'est pas tout le monde qui se rend aux Oscars trois ans de suite. Mais nous sommes parfois tombés dans le travers de prendre des gens qui pognaient à la télévision pour faire des films, alors que ce sont deux formes [d'art] différentes.

Q: Qu'allez-vous changer dans les critères de sélection pour subventionner un film (39 des 63 millions de la SODEC sont versés au cinéma)? Voulez-vous privilégier les films d'auteur ou les films grand public?

R: Il faut que les films soient bons. J'ai adoré Bon Cop, Bad Cop, De père en flic, Louis Cyr. Un de mes films préférés l'an dernier a été Le météore. Il faut juste choisir les bons films, arrêter les automatismes. La SODEC n'est pas un club d'abonnés ou un guichet automatique où les mêmes gens reviennent chaque année et y ont droit. L'important, c'est l'excellence du projet. La qualité des scénarios est essentielle. Il n'y a pas assez d'accompagnement des scénarios. Valérie Beaugrand-Champagne a accompagné les scénaristes des trois films québécois en nomination aux Oscars. Des Valérie Beaugrand-Champagne, il nous faut en former trois, quatre, même cinq!

Q: Avec toutes les options de distribution, doit-on encore exiger que tous les films subventionnés sortent en salles?

R: Il y a certains films où les salles de cinéma ne devraient pas être leur principal véhicule de distribution. (...) [D'ailleurs], j'étais sur la Côte-Nord récemment, et on me disait qu'on ne pouvait présenter un film québécois parce qu'il y avait encore une période d'exclusivité à Montréal. Est-ce que ça marche encore vraiment comme ça?

Q: Êtes-vous d'accord avec le rapport Macerola (du nom de son prédécesseur à la tête de la SODEC, François Macerola), qui recommande notamment de verser la TVQ sur les billets de cinéma (17 millions) pour venir en aide à l'industrie du cinéma?

R: Le rapport pose de bonnes questions. Je dis oui à plus d'argent, mais il ne faut pas seulement penser en fonction du box-office, surtout avec le numérique. (...) La situation d'Alliance Vivafilm me préoccupe. Je ne leur prête pas de mauvaises intentions, mais nous ne pouvons pas fermer les yeux sur la possibilité d'un monopole.