Le Commissariat à la protection de la vie privée du Canada ouvre une enquête sur la nouvelle politique de transmission de renseignements personnels de Bell Canada.

«Le Commissariat a reçu de nombreuses plaintes aujourd'hui [hier] en ce qui concerne le communiqué que Bell Canada a fait parvenir à ses clients relativement au profilage des clients, de la publicité comportementale en ligne et de la protection des renseignements personnels. Notre bureau mènera une enquête», a confirmé hier à La Presse Scott Hutchinson, porte-parole du Commissariat.

Hier, La Presse rapportait que la Commission de l'accès à l'information du Québec, l'Union des consommateurs et Option consommateurs ont des doutes sur la légalité de la nouvelle politique de transmission de renseignements de Bell.

Dans un avis envoyé récemment à ses clients, Bell explique qu'à partir du 16 novembre, elle partagera avec d'autres entreprises des renseignements comme l'historique de navigation, les émissions de télévision regardées et les habitudes téléphoniques des clients. L'objectif est notamment d'offrir aux annonceurs la possibilité de proposer de la publicité ciblée aux clients de Bell. L'entreprise affirme que les données seront transmises aux annonceurs de façon anonyme.

«Nous sommes résolus à protéger la vie privée des clients, et cette initiative est parfaitement conforme à la réglementation canadienne sur la protection des renseignements personnels», soutient Véronique Arsenault, porte-parole de Bell.

Publicité «aléatoire» ou «ciblée»

Bell offre la possibilité à ses clients de se retirer de la nouvelle politique en cliquant sur un lien. Celui-ci conduit à une page où l'internaute est invité à choisir entre recevoir de la publicité «aléatoire» ou bien «ciblée». Il n'est pas précisé si un client qui choisit l'option "aléatoire" verra aussi ses renseignements personnels collectés ou partagés avec des tiers.

«Je ne veux pas que mes informations personnelles soient partagées, mais je ne sais pas comment le dire à Bell. L'option pour se retirer n'est pas tellement explicite - il y a deux choix, mais on n'explique pas ce qu'ils impliquent», a dénoncé Lucien Trudelle, un client de Bell qui a contacté La Presse et compte porter plainte contre Bell au Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC).

Malgré les questions de La Presse, Bell n'a pas précisé ce qu'il advient des renseignements personnels d'un client qui choisit de recevoir des publicités «aléatoires» plutôt que «ciblées».

Le CRTC dit aussi avoir reçu des «contacts» concernant la nouvelle politique de Bell, précisant qu'un contact peut désigner autant une plainte qu'une demande de renseignements.

Des balises

Le Commissariat à la protection de la vie privée du Canada n'a pas voulu commenter l'enquête en cours sur Bell pour des raisons de «confidentialité».

Dans un document publié l'an dernier, l'organisme avait cependant publié des lignes directrices sur le suivi des activités internet d'un individu à des fins publicitaires.

Le Commissariat avait tranché que les informations recueillies dans ce but constituent généralement des renseignements personnels, même s'ils ne permettent pas d'identifier des individus directement. «On peut associer les données recueillies durant le suivi sur le Web avec d'autres types de renseignements et ainsi créer des profils détaillés», justifie l'organisme.

Le Commissariat avait aussi proposé des balises touchant le «consentement négatif» - moyen auquel recourt Bell -, qui entraîne qu'un client consent automatiquement à un partage de ses informations à moins d'en aviser l'entreprise.

Dans ce cas, les renseignements partagés ne devraient pas être «sensibles», le partage devrait être «limité et clairement défini» et les objectifs énoncés de manière claire.

Le CRTC dispose aussi de plusieurs mesures qui protègent les renseignements confidentiels recueillis par les fournisseurs de télécommunications canadiens. Ses politiques réglementaires stipulent qu'à moins d'un «consentement exprès» des clients, ces renseignements ne devraient pas être partagés à des tiers, sauf des fournisseurs ou des autorités publiques à des fins d'«urgence».