Les investisseurs et les spéculateurs se font de plus en plus à l'idée que la Réserve fédérale américaine (Fed) annoncera à la mi-septembre qu'elle ralentit le rythme mensuel d'achats d'obligations du Trésor à long terme (40 milliards) et de titres adossés à des créances hypothécaires (45 milliards).

Cette politique d'achat a été lancée en décembre pour une durée indéfinie. Elle constitue la troisième ronde de détente quantitative (DQ3) orchestrée par la Fed, et de loin sa plus musclée.

Que le rythme passe d'abord de 85 à 75, 70 ou 65 milliards importe peu jusqu'ici. Les participants aux marchés prennent acte du fait que la Fed achètera moins, et éventuellement n'achètera plus, de titres de dettes de Washington. Cela va augmenter le service de la dette américaine et les coûts d'emprunt des ménages et des entreprises.

Pour limiter leurs pertes, les détenteurs d'obligations du Trésor les larguent, ce qui fait augmenter aussi les taux.

Même si la Banque du Canada ne monétise pas la dette fédérale, le taux des obligations canadiennes venant à échéance dans 10 ans suit de très près celui des américaines. Il est déterminé par les marchés.

Depuis l'éclatement de la crise financière en 2008, les obligations canadiennes étaient très recherchées par les grands détenteurs et manipulateurs de capitaux en quête d'un refuge. Cela a exercé des pressions à la baisse sur les coûts d'emprunt des Canadiens et de leurs institutions publiques et privées. S'endetter était bon marché, alors qu'épargner ne rapportait souvent même pas assez pour couvrir l'inflation, si faible fût-elle.

Les signes de rétablissement de l'économie européenne entraînent un déplacement des capitaux parqués dans le marché obligataire vers des véhicules offrant de meilleures perspectives de rendement. En juin, les étrangers ont vendu des obligations canadiennes à hauteur de 19 milliards.

Il s'agit d'une somme record, attribuable à la fois à l'arrivée à maturité de quelques obligations qui n'ont pas été renouvelées et par l'engouement moindre que suscite la dette canadienne. Les coûts d'emprunt d'Ottawa, des provinces, des ménages et des entreprises augmentent depuis mai.

Ça va se poursuivre encore plusieurs mois, à moins d'une nouvelle catastrophe financière que personne ne souhaite. Mince consolation, les épargnants pourront souffler enfin! Les régimes de retraite aussi.

Les grandes banques canadiennes ont commencé à hausser les taux sur les prêts hypothécaires qu'elles consentent. Cela va avoir pour effet de ralentir davantage l'activité sur le marché immobilier résidentiel, bien qu'un soubresaut à court terme reste possible, des acheteurs devançant leur décision pour éviter d'emprunter à des taux plus élevés dans quelques mois.

La décision de la Fed est justifiée par des signes d'amélioration de l'économie américaine et de ses marchés d'exportation, bien que l'expansion reste moins robuste dans ce cycle qu'au cours des précédents. La semaine dernière, on a appris que les indicateurs avancés de la production industrielle européenne et chinoise pointaient vers l'expansion.

Cela a aussi pour effet de renforcer le dollar américain par rapport aux autres devises comme la canadienne. Le huard est passé sous la barre des 95 cents d'équivalence jeudi.

Cela est encourageant. Au moment où les ménages ralentissent leur consommation, compte tenu de leur taux d'endettement et de l'augmentation du loyer de l'argent, les exportateurs reçoivent des marchés le coup de pouce qu'ils réclament depuis quelque temps déjà.

La croissance américaine leur ouvre des perspectives, tandis que l'européenne leur permettra peut-être de retrouver le niveau de leurs expéditions sur le Vieux Continent d'avant la récession.

Il faut souhaiter que la succession de Ben S. Bernanke, qui terminera en janvier son mandat à la présidence de la Fed, se fera sans heurts et, surtout, que la reprise des travaux au Congrès dans deux semaines ne débouche pas sur une nouvelle crise budgétaire susceptible de freiner l'élan de l'économie américaine.

Le printemps dernier, l'expansion canadienne a ralenti, en juin en particulier. Le rebond pressenti au deuxième semestre repose beaucoup sur la vitalité économique de notre voisin.