Pas difficile de trouver la suite de l'hôtel Germain où doit avoir lieu l'entrevue: on entend des gens qui rigolent.

Christiane Germain, coprésidente et propriétaire de la chaine hôtelière Germain Hospitalité, et le chef Daniel Vézina, du Laurie Raphaël, refusent d'avoir l'air sérieux pour le photographe. Après cinq ans de collaboration à Montréal, cinq ans depuis l'ouverture du restaurant Laurie Raphaël dans l'hôtel de la rue Mansfield, les deux entrepreneurs de Québec estiment que l'heure est aux vieux souvenirs et aux fous rires.

«Ma rencontre avec Daniel a eu lieu dans les années 80, raconte Christiane Germain. Nous étions propriétaires du Saint-Honoré sur la Grande-Allée et je cherchais des chefs pour faire une grande table, un restaurant chic, à l'étage. J'ai recruté Normand Laprise, qui a fait venir son ami Daniel. Je pense qu'un est resté six mois et l'autre trois mois et ils sont tous les deux partis travailler ailleurs, du jour au lendemain. Je ne l'ai pas trouvé drôle!»

Trente ans plus tard, Mme Germain a tout pardonné au chef du Laurie Raphaël, que la province a appris à connaître non seulement devant ses fourneaux à Québec, mais aussi à la télévision, notamment grâce à l'immense succès de l'émission Les Chefs, qu'il anime à Radio-Canada.

Dès l'ouverture de l'hôtel Dominion dans le Vieux-Port, un des hôtels boutiques phares du groupe à Québec - l'entreprise compte huit autres hôtels au Canada, dont les Alt et dont les Germain de Toronto et de Calgary -, les collaborations avec le Laurie Raphaël, situé à deux pas, ont commencé. On offrait notamment des forfaits gourmands, resto-nuitée.

Et puis, il y a cinq ans, a commencé une collaboration encore plus étroite. Après plusieurs années d'essais plus ou moins réussis, l'hôtel Germain de Montréal a décidé de se doter d'un vrai restaurant pour rehausser sa marque. «Il me semble que c'est moi qui ai abordé Suzanne (Gagnon, l'associée et femme de Vézina), relate Mme Germain. Mais c'était un naturel.»

Daniel Vézina et Suzanne Gagnon, déjà propriétaires du Laurie Raphaël à Québec, pensaient depuis un moment à ouvrir un restaurant à Montréal, mais c'est cette idée en particulier qui leur a mis le vent dans les voiles.

«Nous, on a toujours admiré ce que vous faisiez, raconte Vézina. Et c'était rassurant de se lancer avec des gens d'expérience.»

Les deux estiment que leurs marques se ressemblent. Du haut de gamme convivial, recherché. Ils croient que leurs origines québécoises communes ont aidé la chimie à marcher. Une collaboration si étroite qu'ils complètent souvent leurs phrases à l'un et à l'autre.

«On ne nage pas dans deux directions différentes», dit Christiane. «On a le même souci de travailler avec des gens et des produits d'ici», poursuit Daniel.

«Ma clientèle aime cet hôtel», affirme le chef. «Et vice-versa», poursuit l'hôtelière.

En cinq ans, il y a eu des moments d'ajustement. «Il fallait marier deux équipes de travail, deux entités», explique Mme Germain. La façon de travailler dans l'hôtellerie n'est pas toujours la même qu'en restauration. Il faut que les équipes comprennent les besoins des uns et des autres. Si un client de l'hôtel, par exemple, a des besoins de restauration spécifiques, il faut lui répondre avec une réaction très accommodante, comme doivent l'être celles des hôteliers. Ce n'est pas le même code de conduite qu'un restaurant normal, qui peut se permettre d'établir des paramètres un peu plus stricts.

Lorsque la collaboration a été établie, il a été question d'étendre le concept au premier hôtel Germain de Toronto. Mais ça n'a pas été plus loin. À l'époque, cela semblait énorme, explique Vézina. Aujourd'hui, il ne détesterait pas y repenser. Surtout pour Vancouver. «J'adore Vancouver», lance-t-il en riant. «On veut être à Vancouver», rétorque Christiane.

Est-ce que la collaboration a été bénéfique aux chiffres d'affaires des uns et des autres?

Absolument. Le restaurant a doublé son chiffre d'affaires depuis l'arrivée de Vézina. Une performance honorable pour un lieu de 50 couverts aménagé par Jean-Pierre Viau où travaillent une quarantaine d'employés. Le même nombre que dans le reste de l'hôtel.

Est-ce que le restaurant a eu un impact sur le chiffre d'affaires de tout l'hôtel? «Sûrement, répond Mme Germain. L'hôtel va bien. Mais c'est sûr que c'est un ensemble de petites choses. Oui, le Laurie Raphaël est bon pour nous. C'est un élément important.»

«Tout le monde y trouve son compte, continue Vézina. C'est sûr que c'est le cas, que c'est rentable. Sinon on n'aurait pas renouvelé pour un autre cinq ans.»