La faillite du Groupe André Perry, dont certains studios ont accueillis des vedettes comme Sting, les Bee Gees et David Bowie dans les Laurentides durant les années 80, a été un coup dur, mais elle a permis de jeter les bases d'un autre success story québécois: Hybride Technologies.

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Trois des quatre cofondateurs d'Hybride travaillaient chez le Groupe André Perry en 1991 au moment de la faillite, causée par une expansion trop ambitieuse à Washington et San Francisco. «Cet échec m'a fait beaucoup de peine, je suis sorti de là meurtri», dit Pierre Raymond, qui a piloté sans succès un sauvetage financier des Studios André Perry. Le nouvel acquéreur Spectra lui fait une offre généreuse pour qu'il reste, mais le coeur n'y est pas. «J'ai un immense respect pour Pierre... et quelques regrets! Si ç'était à refaire, on aurait dû essayer plus fort de le garder car c'est un visionnaire», dit André Ménard, cofondateur de Spectra.

Après six mois à voguer de contrat en contrat, Pierre Raymond fonde Hybride avec ses anciens collègues Daniel Leduc et Sylvie Talbot. Le vice-président aux finances Michel Murdock se joint à l'entreprise, dont le plan d'affaires initial est de mettre au point des équipements et des logiciels de tournage numérique en vue de les revendre. Pour les tester, on aménage le premier studio d'enregistrement numérique au pays. «Après six mois, on s'est surtout rendu compte qu'on s'ennuyait des créateurs, dit Pierre Raymond, président d'Hybride. On a vite été assailli par les grandes boîtes de pub de Montréal qui voulaient faire des nouveaux effets avec la technologie numérique.»

Hybride change donc son plan de match et tourne environ 200 pubs par année, en plus des séries télés et des vidéos corporatifs. Jusqu'en 1994, alors que la technologie numérique fait son apparition au grand écran. Aujourd'hui, le studio de Piedmont brasse 80% de ses affaires à Hollywood, 15% dans des films en Europe et 5% au Québec. Son carnet de commandes se remplit de six à neuf mois à l'avance, même sans agent à Hollywood. «Nous faisons notre publicité que par notre travail, dit Pierre Raymond. C'est un milieu très restreint. Il y a 25 superviseurs d'effets spéciaux à Hollywood. Eux attendent les crédits à la fin du film et prennent des notes sur les boîtes d'effets spéciaux...»

Après avoir été courtisés par plusieurs studios hollywoodiens, les actionnaires d'Hybride vendent plutôt à l'éditeur français de jeu vidéo Ubisoft en 2008. «Nous avons refusé toutes les approches des studios car nous ne sentions pas que c'était dans un contexte d'innovation mais dans un contexte de réductions de coûts, dit Pierre Raymond. Ubisoft est arrivé avec un plan et une mentalité différents. Nous étions fascinés par les jeux vidéo et nous nous sommes rendus compte au fil des discussions que nous avions la même clientèle. Le gars qui va voir le film 300 va acheter le jeu vidéo Assassin's Creed. Nos mondes sont condamnés à se croiser dans le temps.»