La finance structurée inclut tous les arrangements financiers avancés servant à refinancer et à couvrir efficacement le risque de crédit. Elle a changé le fonctionnement des marchés financiers et monétaires et représente maintenant une activité économique très importante.

La finance structurée a amélioré la liquidité des marchés et la gestion du risque de crédit. Son influence sur les échanges des produits financiers a généré des effets majeurs sur l'organisation du crédit de détail et son prolongement dans les marchés financiers. Ces effets commencent à être mieux expliqués et compris. La finance structurée est, par contre, souvent pointée comme étant la cause majeure de la dernière crise financière.

Notre argument est que la finance structurée n'a pas causé en soi la crise financière; le problème se situe plutôt sur le plan de la gestion déficiente de certains risques durant les années précédant la crise. Nous pouvons énumérer les problèmes d'agences dans le marché de la titrisation, les mauvaises tarifications des produits financiers structurés, les difficultés des agences de notation à donner des évaluations bien documentées ou même objectives, le manque de transparence des marchés et la défaillance des régulateurs et des banques centrales à comprendre les implications d'un environnement financier en évolution.

La finance structurée a touché la nature des produits financiers en introduisant de nouveaux produits de plus en plus complexes, comme ceux liés à la titrisation du risque de crédit par les banques tels les CDO (obligations adossées à des créances) et le PCAA (papier commercial adossé à des actifs). À titre d'exemple, la titrisation d'un panier de prêts bancaires vise le transfert du risque de crédit des banques à différents groupes d'investisseurs. Des fiducies restructurent ces paniers de prêts en différentes tranches d'actifs représentant divers risques, vendues selon les appétits des acheteurs.

Quelques années avant la crise financière, les banques américaines ont commencé à transférer leurs prêts hypothécaires peu solvables (prêts subprimes) aux marchés financiers. Durant cette période, on a transformé des actifs hypothécaires de basse qualité en actifs financiers ayant une cote de risque jugée acceptable pour les investisseurs. Ces découpages (tranching) des PCAA et des CDO représentaient cependant des tranches de risques de défaut effectifs beaucoup plus élevés que ceux soupçonnés et incomparables à ceux des obligations traditionnelles ayant la même cote de risque.

La crise financière en a été accélérée, puisque les banques de détail ont subi des pressions des marchés financiers pour accroître leur offre de prêts hypothécaires à haut risque et générer des actifs structurés à rendements élevés durant une période où les taux d'intérêt étaient faibles.

Lorsque les prêts hypothécaires subprimes ont commencé à faire défaut, ces produits financiers ont externalisé les dommages aux marchés financiers internationaux. La crise financière a aussi causé des dommages externes à l'économie réelle (chômage) et à l'économie monétaire. Elle a miné la confiance des consommateurs envers les institutions financières. Nous pouvons isoler quatre problèmes majeurs de gestion des risques liés au marché de la finance structurée durant cette période.

1- Absence de contrats de titrisation incitatifs

Les banques étaient peu incitées à surveiller les risques des emprunteurs parce qu'une large portion de leurs prêts était titrisée sans clause contractuelle optimale. Certaines banques pouvaient même transférer tous leurs risques de défaut de prêts aux marchés financiers.

2- Mauvaise évaluation des produits structurés par les agences de notation

En tant que partie prenante de la titrisation, les intermédiaires achetaient des actifs à long terme, comme des prêts hypothécaires, et les finançaient avec des titres adossés à des actifs tels le PCAA et les CDO. Les profits associés à cette activité de structuration sont plus élevés lorsque les produits financiers ont une cote de crédit élevée. Pour les agences de notation, il était cependant difficile d'évaluer ces actifs, car elles ne disposaient d'aucun modèle approprié ni des données nécessaires pour le faire.

3- Mauvaise tarification de produits structurés

Une autre cause de la crise réside dans le prix de ces instruments financiers structurés, souvent erronés et ne reflétant pas leur vraie exposition au risque. De plus, ces produits contenaient du risque systémique qui n'était pas pris en compte dans la tarification.

4- Mauvaise réglementation de la finance structurée

La réglementation de Bâle II doit elle-même être blâmée, parce qu'elle a réduit significativement le capital requis pour les actifs AAA. Il n'est pas évident que Bâle III sera suffisante pour empêcher d'autres crises, car elle ne touche que les banques qui ne représentent qu'un maillon de la finance structurée.

Dans un prochain article, nous discuterons des leçons à retenir pour la gestion des risques.

Georges Dionne est titulaire de la Chaire de recherche du Canada en gestion des risques, à HEC Montréal.