L'inclusion financière - l'offre de services financiers à une population à faible revenu - est reconnue comme un élément fondamental des politiques visant la réduction de la pauvreté et la croissance économique des régions défavorisées. Cette corrélation se confirme quand on compare les indices de développement humain (IDH) avec les indices d'accès à des services financiers formels, normalement offerts par les banques traditionnelles.

Selon la Banque mondiale, les pays développés ont trois fois plus de dépôts et quatre fois plus de prêts par personne adulte que les pays en développement.

Néanmoins, pour que le système financier dans les pays en développement atteigne un degré d'inclusion financière comparable, il faut dépasser un certain nombre de barrières réglementaires et technologiques. En ce qui concerne les barrières réglementaires, elles ont été beaucoup atténuées dans les dernières années grâce à des initiatives gouvernementales mises en place dans plusieurs pays, inspirés notamment du succès de la Grameen Bank.

La Grameen Bank a été créée en 1983 au Bangladesh pour offrir du microcrédit à une population sans accès aux services financiers. L'organisation et son fondateur, Muhammad Yunus, ont reçu le prix Nobel de la paix en 2006.

À partir de cette première expérience couronnée de succès, des institutions de microfinance (IMF) et des coopératives de crédit partout au monde ont commencé à intégrer les nouvelles technologies collaboratives, basées sur le web et mobiles, pour concevoir de nouveaux modèles d'affaires qui combinent inclusion financière et rentabilité des opérations.

Cependant, l'élargissement de ces modèles d'affaires innovateurs à grand potentiel social dépend d'une plus grande participation du secteur financier «traditionnel». Des partenariats divers entre institutions «alternatives» et «traditionnelles» peuvent ouvrir la voie de façon prometteuse de par la complémentarité des compétences mises en oeuvre.

D'une part, les IMF connaissent les besoins et les méthodologies spécifiques du secteur de la microfinance. D'autre part, les grandes banques détiennent un haut degré de maturité dans l'incorporation des technologies, une plus grande diversité de services et un accès plus grand à des fonds.

Un exemple intéressant de ce type de partenariat est en train de se former au Brésil dans un modèle d'affaires appelé «banques communautaires». Bâties sur les principes de l'économie solidaire, la force des banques communautaires est d'associer deux armes dans le combat contre l'exclusion sociale et la pauvreté: le microcrédit et la monnaie sociale, un outil de consommation de proximité qui vise le déplacement de l'économie et la croissance endogène de la communauté.

Initialement, les banques communautaires et leurs monnaies sociales étaient vues avec méfiance par les autorités monétaires brésiliennes, mais rapidement elles sont devenues un important instrument d'incitation à l'inclusion financière.

Il y a plus de 40 banques communautaires indépendantes au Brésil. L'exemple le plus réussi est la Banque Palmas. Cette IMF a reçu, en 2008, le Prix des objectifs du millénaire pour le développement décerné par le Programme des Nations unies pour le développement.

La Banque Palmas a créé sa monnaie sociale - le «palmas» -, une carte de crédit locale - la «palmascard» - et une méthodologie basée sur une cartographie de la consommation et de la production locales. D'une part, les prêts en «palmas» privilégient le soutien aux projets de microentrepreneurs qui répondent à une demande, dans le quartier. D'autre part, plus de 200 commerçants du même quartier l'acceptent et accordent au client consommant en monnaie sociale un rabais incitatif sur le prix normalement demandé.

Le modèle d'affaires de la Banque Palmas est basé sur un partenariat avec une grande banque publique «traditionnelle», la Banque du Brésil. La synergie est forte: la banque communautaire offre sa méthodologie fondée sur une profonde connaissance de la population locale; la banque traditionnelle offre l'infrastructure technologique nécessaire pour exploiter le réseau et rend disponibles des fonds et un éventail de services financiers pour répondre aux diverses demandes des communautés à bas revenus.

L'intérêt grandissant des législateurs brésiliens pour les modèles de banques communautaires et pour l'usage de monnaies sociales tend à en favoriser la dissémination. À preuve: une législation spécifique est en gestation dans le pays.

Marlei Pozzebon est professeur au service de l'enseignement des affaires internationales, à HEC Montréal (marlei.pozzebon@hec.ca), et Eduardo H. Diniz est rédacteur en chef de Revista de Administração de Empresas, FGV São Paulo (eduardo.diniz@fgv.br)