Depuis lundi dernier, le CRTC tient des audiences sur la possibilité d'attribuer des redevances sur les revenus des abonnements du câble aux chaînes de télé généralistes comme Radio-Canada, TVA, V, Télé-Québec, CTV et Global. Il s'agit de la troisième fois en trois ans que le CRTC étudie cette question. Notre journaliste Vincent Brousseau-Pouliot, qui a assisté au début des audiences à Gatineau, résume la situation.

Depuis lundi dernier, le CRTC tient des audiences sur la possibilité d'attribuer des redevances sur les revenus des abonnements du câble aux chaînes de télé généralistes comme Radio-Canada, TVA, V, Télé-Québec, CTV et Global. Il s'agit de la troisième fois en trois ans que le CRTC étudie cette question. Notre journaliste Vincent Brousseau-Pouliot, qui a assisté au début des audiences à Gatineau, résume la situation.

1- Pourquoi les chaînes généralistes veulent-elles obtenir des redevances?

Les chaînes généralistes soutiennent qu'elles ne peuvent continuer leurs activités avec les mêmes coûts sans une partie des revenus sur les abonnements du câble. Leur modèle d'affaires basé sur la vente de la publicité ne tient plus en raison de la fragmentation de leur auditoire et de leurs revenus publicitaires au profit des chaînes spécialisées.



2- Qui s'oppose aux demandes des chaînes généralistes, et pourquoi?

Les entreprises de chaînes spécialisées comme Astral, les câblodistributeurs comme Rogers et Cogeco, ainsi que les distributeurs de télé par satellite comme Bell. Selon eux, la disponibilité gratuite des chaînes généralistes à quiconque n'a pas le câble fait en sorte que leur signal ne vaut rien sur le câble. Ils font aussi valoir que les chaînes généralistes diffusent gratuitement plusieurs de leurs émissions sur l'internet.

3- Quelles sont les solutions proposées par les chaînes généralistes?

Les chaînes généralistes veulent pouvoir négocier la valeur de leur signal avec les distributeurs, comme le font actuellement les chaînes spécialisées. Les autres modalités du régime varient selon les chaînes généralistes. Certaines chaînes (Radio-Canada, Global) veulent un système d'arbitrage géré par le CRTC en cas d'échec des pourparlers, d'autres non (CTV). Quebecor Media est en faveur de l'arbitrage seulement pour les trois premières années du régime.

4- Les chaînes généralistes pourraient-elles disparaître du câble?

CTV est la seule chaîne généraliste à vouloir obtenir un droit de retrait de son signal des ondes en cas d'échec des négociations avec un distributeur.



5- Radio-Canada pourrait-elle avoir droit aux redevances?


Radio-Canada détient des licences de diffusion du CRTC et est admissible à une éventuelle redevance au même titre que les chaînes généralistes privées. TVA et V sont opposés à ce que Radio-Canada puisse toucher des redevances en raison de son financement public.

6- Qu'arrivera-t-il si le CRTC n'attribue pas de redevances?

La plus grande chaîne de télé du pays, CTV, a prévenu le CRTC qu'elle pourrait fermer ses portes si elle n'obtient pas de décision favorable dans les six mois. Au Québec, TVA et Radio-Canada ne fermeront pas, mais ils produiront moins de séries coûteuses. Au cours de la dernière année, deux stations régionales ont fermé à Brandon, au Manitoba, et à Red Deer, en Alberta. D'autres stations régionales pourraient subir le même sort.

7- Si le CRTC alloue des redevances, la facture du câble augmentera-t-elle?

Les distributeurs ont promis qu'ils refileraient toute nouvelle redevance à leurs abonnés. Rogers soutient que la hausse serait de 6$ à 10$ par mois par abonné à Toronto. Selon le quotidien The Globe and Mail, elle devrait plutôt être de l'ordre 2$ à 3$ par mois par abonné. À moins que le CRTC ne parvienne à faire appliquer la solution de Quebecor Media, qui veut redistribuer les redevances existantes entre les chaînes spécialisées et les chaînes généralistes. À titre d'exemple, RDS reçoit présentement 1,21$ par mois par abonné, RDI 1$ et Canal Vie 0,60$.

8- Comment s'est déroulée la première semaine d'audiences?

L'ambiance est tendue. Le président du CRTC, Konrad von Finckenstein, un ancien juge de la Cour fédérale, est exaspéré par l'intransigeance des intervenants et leurs campagnes de publicité à la télé (»Non à la taxe TV» pour les distributeurs, «Ma télé locale, j'y tiens» pour les chaînes généralistes). Avant les audiences, Rogers et Cogeco ont demandé à Konrad von Finckenstein de se récuser pour cause de partialité, mais le président du CRTC n'a pas obtempéré à leur demande. Le CRTC a aussi dû modifier son ordre du jour en raison d'une poursuite de Bell en Cour fédérale d'appel.



9- Qu'en pense le gouvernement Harper?


Le gouvernement Harper a demandé au CRTC de tenir une deuxième série d'audiences en décembre afin d'étudier les conséquences d'un nouveau régime de redevances sur les consommateurs. Les distributeurs font valoir qu'en agissant ainsi, le gouvernement conservateur signifie qu'il ne veut pas de hausse du coût du câble.

10- Qui prendra la décision finale, et quand?

Le CRTC continuera d'entendre d'autres intervenants du milieu de la télé cette semaine. Il y a ensuite la deuxième série d'audiences à la demande du gouvernement fédéral du 7 au 11 décembre. Le CRTC rendra ses deux décisions probablement en même temps, au premier trimestre de 2010. La décision du CRTC est contestable en révision judiciaire en Cour d'appel fédérale. Si le CRTC décide d'imposer de nouvelles redevances, il devra ensuite modifier les licences d'exploitation des chaînes généralistes et des distributeurs. Ces modifications aux licences sont à la fois contestables en révision judiciaire en Cour d'appel fédérale et appelables auprès du gouvernement fédéral. En clair: le CRTC décide, mais le gouvernement Harper a le dernier mot.