À Montréal, au début des années 2000, il ne s'est trouvé aucun acheteur local pour prendre les rênes de la plus prestigieuse équipe de hockey au monde. Au même moment, Greg Jamison rassemblait une dizaine d'hommes d'affaires de la Silicon Valley pour acheter l'équipe du coin, les Sharks de San Jose.

Les observateurs estiment que le groupe aurait payé 80 millions US et pris en charge la dette de 45 millions US. Huit ans plus tard, le magazine Forbes affirme que les Sharks «ressemblent à l'une des franchises les mieux gérées du sport professionnel». Évaluée à 141 millionsUS à la fin de la saison 2001, la concession californienne vaut maintenant 184 millions US.

> À lire aussi: L'entrevue intégrale avec Greg Jamison

En entrevue à La Presse Affaires, M. Jamison, copropriétaire et président du club, appuie le constat de Forbes: l'équipe est gérée à la manière d'une firme de capital-risque.

Ce n'est pas un hasard. Kevin Compton, l'un des plus partenaires majeurs du groupe de propriétaires, fait partie d'une importante firme de capital-risque qui a joué un grand rôle dans le démarrage d'entreprises technologiques dans la Silicon Valley.

Sur le strict plan des bénéfices, l'équipe est décevante. En dépit des succès sur la glace, elle a perdu 20 millions US depuis 2002 et 5 millions US dans la dernière année.

«Ça prendra beaucoup de travail avant de faire des profits avec le hockey, confirme Greg Jamison. Espérons que nous y arriverons, mais ça prendra du temps.»

Mais au lieu d'emprunter pour combler les pertes, les partenaires ont injecté des capitaux, à l'instar d'une firme de capital-risque. Les propriétaires étaient prêts à absorber les pertes. Une question de passion pour le sport, dit Greg Jamison. «Évidemment, les gens aiment avoir un bon rendement quand ils investissent», ajoute-t-il.

C'est pourquoi il fallait plus que le hockey. «C'est la mentalité grandis-ou-meurs du capital-risque», a confié Kevin Compton à Forbes.

Le groupe Silicon Valley Sports&Entertainment (SVSE), qui chapeaute les Sharks, a largement diversifié ses activités depuis 2002, notamment dans le secteur du spectacle. Comme le Centre Bell, le HP Pavilion, domicile des Sharks, est très occupé pendant toute l'année.

L'organisation est maintenant à la tête de trois tournois de tennis et du club-école des Sharks, à Worcester. Elle possède aussi la moitié des parts d'un circuit d'arts martiaux mixtes.

«L'objectif est d'avoir une entreprise de sports et de divertissement très forte et équilibrée, précise Greg Jamison. En plus, cela procure d'autres formes de revenu pour soutenir la croissance continue de l'équipe de hockey.»

Les revenus de hockey (88 millionsUS) ne représentent qu'un peu plus de la moitié des revenus totaux (155 millions US) du groupe. Et les activités extra-hockey ont permis de réduire la perte de 5 à 2 millions US l'an dernier.

La croissance s'est même étendue jusqu'en Chine, où l'organisation a mis en place un programme de développement de hockey en partenariat avec le gouvernement du pays. Elle exploite aussi un club professionnel à Shanghai. Ce ne sont pas des activités rentables, mais elles sont perçues par les propriétaires comme des investissements à long terme.

Le hockey, n'importe où

À San Jose, les Sharks ont fait salle comble pour leurs huit matchs disputés au HP Pavilion cette saison, ce qui représente 17 500 personnes par match. L'organisation peut compter sur environ 14 000 détenteurs de billets de saison. Tout ça dans une ville sans hiver.

«C'est le fruit d'un travail constant, année après année, dit Greg Jamison. Nous avons créé une génération de partisans qui ont grandi avec les Sharks.»

Selon M. Jamison, le hockey peut fonctionner dans n'importe quel marché non traditionnel, même à Phoenix. «Il faut revenir à un fait, résume-t-il. Le hockey de la LNH est un bon produit.»

Mais il faut admettre que les gens aiment surtout la victoire. Les Sharks forment l'une des meilleures équipes de la LNH, année après année. M. Jamison n'ose pas imaginer les conséquences de quatre ou cinq saisons perdantes consécutives. «Je ne peux qu'espérer que les partisans suivent.»

C'est là que réside le plus grand défi. «Ici, nous avons de grands amateurs des Sharks, mais on essaie de les amener à être des amateurs de la LNH et du hockey en général. Cela prend un peu plus de temps.»

Mais les choses avancent. SVSE a construit plusieurs patinoires dans la région.

«Dans notre principal aréna pour le public, il y a environ 160 équipes de hockey d'adultes, et beaucoup d'équipes de jeunes aussi, se réjouit M. Jamison. On voit de plus en plus de gens jouer au hockey. Éventuellement, nous serons en mesure de nous défaire de ce statut de marché non traditionnel.»