Moins touché que la plupart des autres provinces par la présente récession, le Québec renouera prochainement avec la reprise avec moins d'allant que la majorité d'entre elles.

En fait, le Québec, tout comme les provinces atlantiques, ne pourra tirer profit des rebonds rapides des secteurs automobile et énergétique qui viendront automatiquement avec la sortie de léthargie de l'économie américaine.

 

Voilà pourquoi la croissance réelle québécoise sera contenue à 1,2% l'an prochain comparativement à 1,4% pour la moyenne canadienne, prédit Pascal Gauthier, économiste chez Banque TD Groupe financier. Seule la Nouvelle-Écosse connaîtra aussi une relance aussi molle. «La reprise dans l'aérospatial est en général plus lente que dans l'automobile», explique-t-il en entrevue.

Le marché du travail est jusqu'ici moins esquinté chez nous (-0,8% depuis le sommet d'octobre) que l'ensemble canadien (-2,2%). Les licenciements qui perdurent même après le début de la reprise seront heureusement encore une fois contenus. Leur importance sera moindre qu'en Ontario, de sorte que le taux de chômage devrait tout juste passer la barre des 10% au Québec, mais grimper à 11% dans la grande province voisine.

M. Gauthier note aussi que le secteur touristique souffrira l'an prochain encore de la baisse de revenus des ménages américains, ce qui touche des provinces comme le Québec et les Maritimes qui en accueillent davantage qu'ailleurs. L'exception sera la Colombie-Britannique, hôte durant l'hiver des Jeux olympiques et paraolympiques.

Par contraste, Montréal a perdu son Grand Prix, tandis que les anniversaires de Trois-Rivières (375e) et de Gaspé (475e) cette année n'ont pas le même impact que le 400e de la Vieille Capitale, l'an dernier. Imaginez l'an prochain! L'industrie récréotouristique et l'hôtellerie en pâtiront quelque peu.

Le Québec ne peut compter non plus sur la relance de ses secteurs forestier et papetier. Le premier souffrira encore plusieurs mois des stocks d'invendus sur les marchés américains de la maison neuve et de la revente. Le second devra absorber de manière permanente les changements structurels dans l'information où le support papier perd du terrain au profit d'internet.

M. Gauthier croit en outre que les efforts consentis par l'État ont permis de freiner la décroissance. Le lancement de grands travaux comme ceux d'Hydro-Québec sur la rivière Romaine font partie de la donne de l'économie depuis des décennies. Ils n'assurent pas la croissance à eux seuls.

Enfin, l'économiste estime que la construction résidentielle va stagner quelque temps après avoir moins diminué que dans d'autres provinces. À Montréal en particulier, «les mises en chantier pourraient continuer de décliner».

Cette prévision est peut-être un brin pessimiste, étant donné la reprise du marché de la revente, la stabilité des prix des habitations et la croissance démographique un peu plus forte qu'estimé jusqu'à tout dernièrement.

Plus tôt cette semaine, l'Institut de la statistique du Québec avançait que le Québec allait franchir la barre des huit millions d'habitants dès 2012, grâce au mini baby-boom des dernières années. Statistique Canada estime que la population du Québec s'élevait à 7,8 millions en avril.

Le scénario de M. Gauthier a aussi de quoi faire réfléchir les décideurs publics.

Le produit intérieur brut (PIB) du Québec exprimé en dollars courants permet de jauger les variations de l'assiette fiscale. Sa croissance sera contenue à 1,4% l'an prochain, la plus faible au pays. C'est beaucoup moins que les 2,3% attendus pour l'ensemble canadien.

L'explication réside dans la stabilité relative du Québec dans les termes de l'échange. En gros, les variations de prix des biens que le Québec exporte diffèrent assez peu de celles des biens qu'il importe. S'il y avait reprise des prix du bois ou de l'aluminium par exemple, on peut imaginer que ceux du pétrole et du gaz iraient de pair.

À l'inverse, l'Alberta est très sensible aux termes de l'échange. Cette année, son PIB nominal recule de 10,1% alors qu'il devrait rebondir de 4,2% l'an prochain, même si sa croissance réelle sera limitée à 1,9%. Cela en fera néanmoins la deuxième meilleure performance après celle de la Colombie-Britannique.