La crise économique constitue «la plus importante menace à la sécurité internationale», a soutenu mercredi Madeleine Albright, secrétaire d'État américaine sous Bill Clinton de 1997 à 2001.

«Les reculs économiques sont souvent accompagnés de troubles sociaux et politiques», a souligné Mme Albright à la tribune de la Conférence de Montréal, en faisant notamment allusion aux luttes de pouvoir qui déchirent régulièrement les peuples africains autour de la rareté des ressources naturelles.

L'ancienne diplomate a rappelé qu'en Amérique latine, des millions de personnes attendaient toujours leur juste part des avantages du libre marché. «Certains sont tentés d'applaudir des démagogues qui promettent des solutions magiques tout en monopolisant le pouvoir à leurs propres fins», a-t-elle lancé, ciblant sans le nommer le président vénézuélien Hugo Chavez.

Il reste que la crise financière de l'automne dernier a «miné la crédibilité» des grandes institutions financières occidentales et soulevé de «sérieux doutes» au sujet du leadership économique des États-Unis, a reconnu Mme Albright.

Ce «tremblement de terre économique» commande d'importants resserrements à l'encadrement international du secteur financier, a martelé la femme de 72 ans.

«Le marché est une force puissante, dans l'ensemble positive, mais qui n'a pas de conscience sociale et qui est parfois tellement dopé par la cupidité qu'il devient hors de contrôle, a-t-elle estimé. Le système économique mondial a clairement besoin d'être réformé. (...) Une réglementation responsable n'est pas l'ennemie de la liberté, mais plutôt la caution de la démocratie.»

Il faut revenir aux principes fondamentaux et privilégier la productivité plutôt que la spéculation à court terme, a suggéré Mme Albright. À l'instar des autres participants à la conférence, elle a décrié tout retour au protectionnisme.

Nouveau système mondial?

Se disant optimiste mais tout de même très inquiète face aux nombreux problèmes du monde, l'ancienne politicienne a salué les premiers mois de la présidence de Barack Obama.

«Il recourt à une approche qui reflète la confiance et non pas l'arrogance, a-t-elle fait remarquer. Son but est de moins faire la leçon sans faire preuve de moins de leadership. (...) Avec la plupart des pays, la persuasion fonctionne mieux que l'intimidation.»

M. Obama s'est à maintes reprises prononcé en faveur d'une plus grande collaboration internationale, mais il faudra voir jusqu'où il ira pour appuyer l'idée défendue par Madeleine Albright de moderniser le G8 et le conseil de sécurité des Nations unies.

«Il faut établir un nouveau système international qui permettra une plus grande coopération et un meilleur partage des responsabilités», a-t-elle avancé.

Quand on lui a demandé quel pays constituait actuellement la plus grande menace à la paix mondiale, Mme Albright a nommé le Pakistan sans hésiter.

«Ce pays a tout pour vous donner une migraine internationale», a-t-elle lâché, en évoquant les nombreux risques qui l'affligent: un gouvernement «très faible», une grande pauvreté, présence d'«extrémistes», corruption, une situation géographique «difficile» et la possession de l'arme nucléaire.

Elle a aussi mentionné l'Iran et le Soudan, de même que la Corée du Nord.

Plus haute responsable américaine à avoir jamais rencontré le leader nord-coréen, Kim Jong-il, en 2000, Madeleine Albright a assuré qu'elle ne l'avait pas pris pour un «fou».

«Il voit le monde comme étant très menaçant pour lui, ce qui est très inquiétant», a-t-elle néanmoins admis.

Au sujet de l'Afghanistan, l'Américaine d'origine tchèque refuse de voir les troupes de l'OTAN comme des forces d'occupation.

«Une bonne partie du problème ici, c'est que nous voulons des résultats instantanés, ce qui est impossible, a-t-elle noté. Il faut aider à la reconstruction économique du pays.»