Le financier Luc Verville est officiellement poursuivi par les autorités pour l'affaire Capazoo, mais tout indique que l'enquête a été élargie à un autre dossier.

Lundi, l'Autorité des marchés financiers (AMF) a porté 16 chefs d'accusation contre Luc Verville dans le dossier Capazoo et lui réclame 120 000$ d'amendes. Elle lui reproche d'avoir agi comme courtier sans permis et d'avoir vendu des titres de la société Capazoo World Corporation sans prospectus, entre autres.

Capazoo était un site internet de réseautage qui devait concurrencer Facebook. Au printemps 2007, la PME a rapidement fermé ses portes, faisant perdre 15 millions de dollars aux investisseurs. L'un des principaux promoteurs du site était Luc Verville (aucun lien avec l'ancien employé de la Caisse de dépôt qui a acheté du papier commercial).

Or, La Presse Affaires a appris que l'AMF enquête sur un autre dossier concernant les agissements de Luc Verville. Entre 2000 et 2002, un certain nombre de particuliers ont confié des fonds à Luc Verville pour un investissement dans une firme de la Barbade. Parmi eux, il y avait le comédien Gilles Latulippe et l'homme d'affaires Placide Poulin, ex-patron de MAAX.

L'argent de la Barbade devait être canalisé vers des PME à être inscrites en Bourse. Au bout du compte, l'essentiel a plutôt été englouti dans un projet de service aérien, à Dorval, qui s'est avéré un désastre. Investisseurs et créanciers ont perdu près de 23 millions.

À ce sujet, le porte-parole de l'AMF, Sylvain Théberge, ne veut pas commenter, ni même dire s'il y a enquête ou non.

Pour solliciter les investisseurs dans cette autre affaire, Luc Verville s'était adjoint les services du fils de Gilles Latulippe, Olivier Latulippe. Or, en mars 2009, Olivier Latulippe a été radié du Barreau du Québec pour une période d'un an parce qu'il a utilisé son titre d'avocat pour berner une investisseuse dans les projets de Luc Verville.

Selon le conseil de discipline du Barreau, Olivier Latulippe avait dit à cette investisseuse, Nathalie Tardif, que cet «investissement offshore était légal et sans risque, alors qu'il n'avait ni les compétences requises ni fait les vérifications appropriées avant de donner une telle opinion».

Dans sa décision, le conseil juge que les gestes d'Olivier Latulippe sont «graves», mais sans mauvaise foi. Ils ont fait perdre 160 000$ à Nathalie Tardif. Malgré cette décision, toutefois, le fonds d'indemnisation du Barreau ne consent toujours pas à rembourser Mme Tardif, elle qui réclame une compensation depuis... six ans!

Par ailleurs, dans l'affaire Capazoo, l'AMF a accusé Luc Verville pour seulement 235 000$ des 15 millions perdus. Ces 235 000$ ont été essentiellement recueillis auprès de 11 des investisseurs de la première heure de Capazoo, à l'été 2006. Selon l'AMF, ces individus n'avaient pas le statut d'investisseurs sophistiqués et un prospectus devait donc être émis et approuvé par l'AMF pour qu'il y ait sollicitation.

Pour les autres, il n'y aura pas d'accusations, puisqu'il s'agit d'investisseurs fortunés et aguerris, qui n'ont pas besoin de la protection de l'AMF pour investir. Depuis 2005, les investisseurs qui font plus de 200 000$ de revenus annuels ou ont un actif net dépassant le million de dollars sont considérés comme investisseurs aguerris (chapitre 45-106 de la Loi). Un autre critère est le montant minimal d'investissement (150 000$).

Rappelons que Luc Verville a déjà été sanctionné par la Commission des valeurs mobilières du Québec (CVMQ) en 1999 - l'ancêtre de l'AMF - pour avoir recueilli des fonds sans prospectus.